Ce numéro Varia s'articule autour de deux thématiques : les mobilisations des minorités sexuelles dans des contextes nationaux très contrastés et le renouvellement des conditions d'accès aux élites françaises dans un contexte de libéralisation de l'économie.
Le premier article s'interroge sur l'émergence et le développement d'un « espace de la cause dite LGBT » en Tunisie à partir de 2014-2015. Il questionne plus précisément les processus de socialisation des militant.e.s. des principaux mouvements LGBT en Tunisie dans un contexte post-révolutionnaire marqué par l'élargissement du champ politique et des espaces de socialisations afférents.
Le deuxième article porte sur deux cas de coopération transnationale au nom de la solidarité avec le mouvement gai et lesbien polonais. Il révèle les effets d'inégalités matérielles, culturelles et symboliques entre Europe de l'Ouest et de l'Est. Des rapports de force traversent ainsi les relations de solidarité qui peuvent néanmoins évoluer dans le temps, vers plus de réciprocité ou au contraire se dissoudre.
Dans la seconde partie, le troisième article montre de quelles façons les inégalités sociales se reconstituent une fois passées les portes des grandes écoles en France, entre d'une part les élèves issus des classes populaires et les autres d'autre part, sur une période allant des années 1920 aux années 1970. Les grandes écoles ne constituent donc pas une « voie royale » pour tous, les moins dotés n'accédant qu'à des positions « refuge » au sein de la haute fonction publique.
Le dernier article restitue enfin l'univers social dans lequel évoluent deux hauts fonctionnaires dotés d'un certain sens du jeu et de capitaux bureaucratiques (l'un technique lié à la détention de diplôme, l'autre davantage fondé sur l'expérience) qui, loin de s'opposer, se révèlent complémentaires pour peser sur les décisions politiques qui ont ouvert la voie à la libéralisation de la finance.
Les sciences sociales sont attaquées ! Le ministre de la recherche en personne menace la sociologie et lance une grande inquisition contre l'« islamo-gauchisme » qui « gangrène » l'Université, un président de région veut couper des crédits à un institut d'études politiques, de grandes mobilisations s'élèvent contre le « wokisme »...
Enfin les sciences sociales retrouvent leur place en dissidence ! Enfin le pouvoir réagit ! Quel triomphe pour la sociologie !
Ce numéro revient sur les attaques dont la sociologie a récemment fait l'objet et montre qu'elles mettent en cause des acquis les plus élémentaires des sciences sociales, tout en revenant sur le paradoxe apparent de ces sciences sociales : toujours politiques parce qu'elles parlent du monde social, elles n'ont de force sociale que parce qu'elles se revendiquent de la science.
Une autre perspective s'ouvre alors qui fait de ces attaques contre les sciences sociales un objet d'analyse : comment expliquer sociologiquement les réticences à la sociologie ?
Nicolas Brusadelli et Yannick Martel s'intéressent aux luttes qui animent aujourd'hui le « mouvement climat », à partir d'une enquête sur la construction du mouvement « Alternatiba ». Tout en appréhendant les différences de labélisation du « politique » du point de vue des acteurs, ils tentent aussi d'analyser les stratégies concrètes, d'affiliation ou de mise à distance, déployées en direction du champ politique.
Fabien Desage, Clément Barbier, Antonio Delfini éclairent l'inscription localisée et historiquement ancrée des transformations du capitalisme, en s'intéressant à l'émergence d'un marché de la promotion immobilière dans l'agglomération lilloise, au tout début des années 1960. Loin d'être la conséquence mécanique de processus externes, celle-ci apparaît largement dépendante des investissements précoces de grands industriels locaux ou de leurs héritiers, mais aussi des reconfigurations de l'action publique locale.
W. E. B Dubois a publié en 1920, à New York, l'ouvrage Darkwater: Voices from Within the Veil. Le chapitre «The Souls of White Folk» (« Les âmes du peuple blanc ») est traduit dans la revue pour la première fois. Nicolas Martin-Breteau analyse ce chapitre et montre que l'imposition d'un régime de « suprématie blanche » dans le monde ne constitue pas une « aberration » au regard des valeurs défendues par l'Europe, mais qu'il est l'aboutissement logique de la construction des États-nations occidentaux.
Ce numéro propose un renouvellement de la sociologie du travail et des professions. Il repose sur deux arguments majeurs : d'une part, il fait sociologiquement peu de sens de séparer l'analyse du travail - en tant que type de pratiques -, de celle des ensembles organisés que sont les professions. D'autre part, les travailleurs et travailleuses étant également des agent.e.s inscrit.e.s au sein du macrocosme social, leurs positions et pratiques doivent être replacées dans des rapports sociaux qui dépassent leurs espaces professionnels.
Les articles réunis dans ce numéro montrent que la matrice théorique de Bourdieu permet de repenser des concepts phares comme celui d'autonomie professionnelle, en inscrivant la réflexion dans celle, plus large, de la différenciation sociale, tout en étant attentif aux trajectoires sociales comme professionnelles des individus.
Ce retour à une sociologie générale permet ainsi de mettre en lumière ce qui se joue au sein des espaces professionnels comme ce qui, alentour, participe à en déterminer la structuration, les enjeux, et les divisions. La puissance heuristique d'une telle approche tient au fait qu'elle permet de rendre compte de la relation entre les structures mentales des travailleurs et travailleuses - leurs dispositions professionnelles -, et la structuration de leurs espaces professionnels.
Depuis la fin des années 1990, les entreprises ont développé des formes internalisées d'action « éthique ». D'abord promues à travers la reconnaissance et la prise en charge d'une « responsabilité sociale des entreprises » (RSE) en matière de conditions de travail de leurs sous-traitants ou d'interventions sur des questions de société, ces formes d'action se sont ensuite diversifiées. Les années 2000 et suivantes ont en effet vu se multiplier les politiques d'égalité professionnelle, de diversité, de mécénat de compétences, de bénévolat d'entreprise ou d'intégration des enjeux environnementaux. Ce sont finalement autant d'objectifs éthiques qui ont été intégrés au management des firmes et se sont vus pris en charge par des dispositifs de gestion cherchant à les contrôler, les mesurer, les optimiser, les afficher. La particularité de ce management de l'éthique est d'incorporer la morale dans le modèle économique des entreprises, tout en continuant à revendiquer la recherche de profit.
Ce numéro interroge les dispositifs qui font exister cette équivalence entre morale et profit, en partant de celles et ceux qui les mettent en oeuvre : s'agit-il, pour ces professionnels, de « moraliser » le capitalisme, de capitaliser sur la morale ou d'articuler - et dans quelles conditions - recherche du profit et quête de la vertu ?
Les articles rassemblés montrent le travail effectué par ces travailleurs et travailleuses de la vertu, aux propriétés sociales particulières, pour faire tenir ensemble des éthiques opposées, dont l'équivalence n'est pas donnée. Ils permettent également de comprendre comment cette évolution du capitalisme contribue à transformer les causes morales que celui-ci endosse.
Depuis la fin de l'année 2010, les bouleversements politiques et sociaux dans le monde arabe sont au centre de toutes les attentions et notamment de l'attention académique. Les chercheurs en sciences sociales n'entendent pas se laisser dicter leurs objets par l'actualité mais refusent dans le même temps de démissionner devant les faits ou de s'emmurer dans leur tour d'ivoire, feignant d'ignorer la gravité du monde qui les entoure et l'urgence d'une pensée construite et contrôlée.
C'est à cet exercice délicat que se sont livrés les auteurs de ce dossier, sans cesse pris dans une forme d'injonction paradoxale : prendre de la distance avec l'événement historique et saisir son épaisseur sociale dans toute sa matérialité, réfuter les explications causales macrosociologiques et prendre au sérieux les revendications et les répertoires d'action des protestataires, résister au diktat de l'instant et de l'accélération de l'histoire et réinscrire les pratiques et les discours dans leur terreau sociologique et historique.
L'objectif n'est pas de proposer une nouvelle interprétation des événements qui ont bouleversé la région mais bien plutôt de comprendre, au moyen d'enquêtes de terrain de longue haleine, comment ceux-ci ont bousculé les structures sociales et politiques des pays concernés et de quelles façons cette histoire courte est à réintégrer au sein des mutations sociales plus larges qu'ont connues ces sociétés.
Fondés sur un travail empirique inédit, les six articles étudient ainsi les conséquences du déclassement des chômeurs diplômés tunisiens sur leurs dispositions à se mobiliser (Pierre Blavier), la recomposition du capital social des insurgés dans le cas syrien (Gilles Dorronsoro et al.), l'impossibilité du soulèvement dans le cas algérien (Layla Baamara), le rôle de groupes professionnels comme les avocats dans la révolution tunisienne (Eric Gobe), les voies de la reconversion politique des Frères musulmans égyptiens entre 2005 et 2012 (Marie Vannetzel) et les modalités du passage d'une situation révolutionnaire à un résultat révolutionnaire dans le contexte tunisien (Choukri Hmed).
Alors qu'au cours des années 2010, l'urgence humanitaire de la « crise des réfugié·e·s » a durablement installé une image misérabiliste de la migration internationale dans l'opinion publique, ce numéro prend le parti de s'intéresser aux ressources des migrant·e·s. En abordant la question de l'accumulation et de la gestion du capital social dans les carrières et stratégies migratoires, il entend dresser un portrait plus divers et plus réaliste des existences migrantes et éviter ainsi de forger une représentation monolithique des mobilités. Sans oublier les vulnérabilités qui président à nombre de déplacements internationaux, il insiste sur les inégalités à l'oeuvre parmi les acteurs et actrices de ces mobilités. Décédé il y a tout juste vingt ans, Abdelmalek Sayad a défendu la nécessité pour les recherches sur les migrations internationales de considérer les immigré·e·s comme des émigré·e·s, pointant ainsi la pluralité des espaces de référence des migrant·e·s. Ce conseil n'est jamais aussi pertinent que pour penser la relation entre migration et accumulation de ressources : contrairement à ce que voudrait le mythe de l'invasion, les projets migratoires ne se pensent presque jamais comme des fins en soi et posent très majoritairement la migration comme un moyen de maintenir ou d'améliorer son statut social et celui de sa famille non dans le pays « d'accueil », mais bien dans le pays d'origine.
L'attention portée au réseau de relations des migrant·e·s - à la fois local et transnational - a permis à la sociologie des migrations de rompre peu à peu avec une explication des déplacements en termes de choix individuels, en soulignant le rôle des conditions collectives de possibilité des départs.
Si la seconde moitié du xxe siècle a été marquée par un effacement progressif de la figure du domestique, l'accroissement récent des inégalités s'accompagne d'un renouveau des services directs aux individus les plus riches : personnel de maison qualifié, professionnels de l'hospitality de luxe, coaches et professeurs particuliers, etc. La démultiplication des services aux plus fortunés ? qui passent par la personnalisation de la relation, l'exclusivité des espaces, le traitement « sur mesure » ? engage une proximité physique souvent affranchie des cadres collectifs permettant l'exercice d'une régulation institutionnelle. Elle met en rapport des élites économiques et des classes moyennes, souvent blanches et qualifiées, dont les compétences sociales et l'ethos corporel sont appréciés.
Ainsi, alors que la sociologie contemporaine du care et des migrations s'est largement intéressée au personnel de service subalterne, féminin et racisé (aides à domicile, auxiliaires de vie), ce dossier propose de considérer d'autres formes de subordination directe entre les fractions moyennes et dominantes de l'espace social. Quelles sont les conditions d'accès à ces professions certes subalternes, mais parfois prestigieuses et très rémunératrices ? Quelles expériences de la domination entraînent-elles et quels registres d'interaction mobilisent-elles ? Dans quels cas ces situations de domination rapprochée font-elles l'objet d'une politisation, voire d'une contestation ?
Cette livraison est le premier des deux numéros que la revue consacre cette année aux structures sociales et à leurs transformations contemporaines.
Elle porte plus spécifiquement sur les fractions les plus élevées des catégories supérieures. Un texte inédit de Pierre Bourdieu traite du concept de « champ du pouvoir » pour désigner l'ensemble des relations qui unissent et divisent les détenteurs des différents types de pouvoir, pouvoirs financiers, économiques, politiques, intellectuels, etc. Un ensemble de recherches met ensuite en oeuvre cette notion pour mieux comprendre les effets de dynamiques contemporaines, en particulier les phénomènes d'internationalisation (qui se produisent dans l'ordre économique et scolaire notamment) et les démissions néolibérales de l'État.
L'ensemble de ces contributions qui se rapportent à différents pays européens tend à se situer dans une perspective comparative. Le goût du « luxe » caractéristique des catégories sociales étudiées n'est pas omis dans ce numéro, à travers une étude consacrée à l'hôtellerie.
Ce numéro entend questionner les différentes logiques à l'ouvre dans les processus d'évaluation des sportifs. Loin d'être un espace qui évaluerait et classerait des performances purement « sportives », l'univers des sports, tout particulièrement celui du sport spectacle, fait l'objet d'enjeux croissants et multiples. Les articles s'attachent ainsi à montrer les différents ressorts sociaux des logiques économiques, politiques ou encore professionnelles relatives à la production et à la diffusion permanente des évaluations sportives (classements, titres, notes, etc.), en les situant dans les transformations historiques des économies du sport spectacle du début du XXe siècle à aujourd'hui. En s'appuyant sur des exemples très différenciés (la boxe anglaise, le football et le cyclisme professionnels, la course à pied, etc.), il s'agit d'analyser la concurrence entre les institutions et les agents sociaux de plus en plus nombreux (sportifs, entraîneurs, organisateurs de spectacle, fédérations, sponsors, journalistes, médecins, etc.) qui participent à ces luttes, permettant ainsi d'éclairer des processus d'évaluation également à l'ouvre dans d'autres univers sociaux. Les auteurs du numéro restituent concrètement, à travers des enquêtes de terrain, les conditions sociales et historiques des performances dites « sportives ».
Dossier coordonné par Dominique Marchetti, Frédéric Rasera, Manuel Schotté et Karim Souanef.
En plongeant dans l'intimité des foyers, ce dossier propose une contribution originale à la sociologie des classes sociales. Alors que les débats se focalisent d'ordinaire sur certaines dimensions de la culture de classe (tout particulièrement sur les pratiques culturelles), il déplace l'attention vers un lieu qui, avec l'autonomisation de la vie privée et l'amélioration des conditions de logement, fait l'objet d'un investissement croissant.Les enquêtes présentées dans les articles portent sur des groupes sociaux et des contextes résidentiels contrastés : classes populaires des cités HLM ou de milieu rural, agriculteurs embourgeoisés, classes populaires et moyennes du périurbain, classes supérieures urbaines ou familles nombreuses occupant diverses positions dans l'espace social. Attentives également à la dimension genrée des styles de vie domestique, elles explorent les pratiques, les relations et les logiques symboliques qui prennent corps à l'intérieur des frontières de l'habitat. Chacun des articles souligne ainsi combien les pratiques de décoration, d'aménagement et d'ameublement, ainsi que les usages personnels et l'organisation des sociabilités domestiques, sont l'expression de goûts socialement situés. En prenant en compte le rôle de l'économie de la maisonnée, ils montrent également les formes variées que prend l'organisation du travail domestique, dont une partie peut être déléguée à des employé-e-s subalternes par les classes supérieures mais qui, à l'intérieur de chaque ménage, fait l'objet d'une division sexuée persistante.L'espace domestique apparaît ainsi doté de propriétés spécifiques - en particulier celle d'offrir à ses occupants un lieu à l'abri relatif des rapports de domination dont ils font l'expérience dans d'autres espaces. Il existe donc bien une relative autonomie symbolique des cultures de classes et de fractions de classe, comme en attestent les résistances face à l'imposition de modèles d'habiter hétéronomes. Mais les manières d'habiter se transforment aussi, sous l'effet des logiques de distinction et des aspirations à différentes voies d'ascension sociale, qui viennent redessiner les frontières culturelles séparant les classes sociales.
Gouverner le vote des « pauvres ». Champs experts et circulations de normes. en Amérique latine (regards croisés Argentine/Mexique).
Hélène Combes et Gabriel Vommaro.
La civilité marchande. Agressivité et retenue professionnelles dans les activités de vente.
Louis Pinto La pédagogie charismatique de Gilles Deleuze à Vincennes.
Charles Soulié.
La fabrique des dispositions urbaines. Propriétés sociales des parents et socialisation urbaine des enfants.
Clément Rivière.
Les garages à ciel ouvert : configurations sociales et spatiales d'un travail informel.
Collectif Rosa Bonheur.
Se voir « avec les yeux des autres » Ou comment de jeunes ouvriers se sont laissés imposer des représentations dominantes d'eux-mêmes.
Martin Thibault.
Les arrêtés municipaux pris durant l'été 2016 afin de réglementer les tenues vestimentaires sur les plages de certaines communes du sud de la France ont rappelé que les plages, espaces touristiques par excellence, sont au centre de rivalités et de luttes pour contrôler qui y a accès, selon quelles normes et à quel prix. Au cours du XXe siècle, la démocratisation du tourisme balnéaire, l'urbanisation rapide des littoraux et la fragilisation des espaces côtiers ont conféré à l'espace « plage » une valeur croissante, aussi bien économique que symbolique.
L'ambition de ce dossier est de se démarquer des approches de la plage en sciences sociales qui se sont contentées d'en faire un espace à part autorisant la suspension des rapports sociaux. À rebours d'une telle vision, il s'agit ici de politiser la plage, c'est-à-dire de comprendre la manière dont cet espace particulier peut être approprié par certaines fractions de l'espace social au détriment d'autres. Logiques politiques, économiques, environnementales et sociales s'articulent pour faire de cet espace littoral un enjeu de luttes entre groupes sociaux au croisement des rapports sociaux de classe, de sexe et de « race ». Depuis le début du XXe siècle, le relâchement progressif des codes vestimentaires sur cet espace a fait de la plage un territoire propice aux interactions sexualisées, venant révéler et rejouer les rapports sociaux de sexe - ceux-ci concernant aussi bien les relations entre femmes et hommes que la stigmatisation de sexualités jugées déviantes. L'appropriation privée de portions du littoral et leur utilisation comme critères de valorisation d'opérations immobilières soulignent à quel point ces espaces sont un enjeu de luttes entre groupes sociaux aux ressources économiques inégales. Par ailleurs, destination aujourd'hui privilégiée de séjours touristiques générant des circulations internationales de vacanciers, cet espace porte en lui la capacité à faire se rencontrer des groupes sociaux appartenant à différentes hiérarchies sociales nationales, mais aussi des groupes construits comme antagonistes dans les rapports sociaux de « race » c'est-à-dire construits sur une différence supposée d'origine rapportée à des critères indistinctement culturels et phénotypiques.
Cette ambition est portée par un dossier pluridisciplinaire dont le propos est ancré dans des terrains nationaux contrastés. Analyse historique de la mise en place d'une législation spécifique sur les plages californiennes ou de l'éviction des populations africaines américaines du littoral de la côte Est des États-Unis, étude des luttes de pouvoir politique et économique dans l'appropriation du littoral de Saint-Tropez ou du Nordeste au Brésil, analyse des interactions à la plage comme révélateur de formes de mobilité sociale articulées à des processus de racialisation des différences sociales à Zanzibar ou en Algérie, tels sont les différents modes d'entrée pour penser la plage comme territoire contesté.
Des classes sociales européennes ?
Étienne Penissat et Yasmine Siblot.
L'Union européenne, un espace social unifié ?
Cécile Brousse.
Déclin et renouveau de l'analyse de classe dans la sociologie britannique, 1945-2016.
Mike Savage.
Comparer les classes populaires en France et au Portugal.
Différences structurelles et histoires intellectuelles.
Virgílio Borges Pereira et Yasmine Siblot.
Classes et nations : quelle articulation à l'échelle européenne ?
Frédéric Lebaron et Pierre Blavier.
Les déterminants sociaux et nationaux des inégalités culturelles en Europe.
Cédric Hugrée, Étienne Penissat et Alexis Spire.
Les logiques ordinaires de catégorisation de l'espace socioprofessionnel.
Une comparaison Allemagne, Espagne, France.
Laure de Verdalle, Jérôme Deauvieau et Alexandra Filhon.
Il est désormais devenu banal de déclarer des structures publiques « en situation de faillite ». Ce dossier décrit les effets politiques de l'extension aux structures et services publics d'un raisonnement et d'un mode de fonctionnement réservé jusqu'à présent à des organisations de droit privé : la survie par le rendement économique et la menace de faillite. Loin de ne constituer qu'une rhétorique, la loi de sélection financière s'incarne dans des dispositifs économiques et juridiques qui mettent en concurrence les services publics et en renforcent certains au détriment d'autres. Pivotant autour de l'ambiguïté sémantique et technique de la faillite, le gouvernement par la faillibilité installe au coeur de la gestion des services publics la crainte de leur extinction, afin d'inciter à la réforme, tout en ménageant, avec la fragilisation de leurs moyens, un espace pour la possibilité réelle de leur disparition. En enquêtant sur la matérialité, les structures et les jeux d'acteurs de ce régime de faillibilité, cet article révèle la transformation profonde du secteur public exposé à la question de sa profitabilité et de sa liquidation.
Dans de nombreux pays, l'égalité des sexes est devenue, notamment sous l'impulsion des mouvements féministes, une cause endossée par des acteurs et actrices au sein d'institutions variées (administrations, partis politiques, syndicats, entreprises, ONG, etc.). Cette institutionnalisation de la cause des femmes est au coeur de ce dossier, qui s'intéresse tant aux processus par lesquels des institutions s'emparent de cette cause qu'aux effets de cette institutionnalisation.
En rompant avec une perspective qui pose a priori une rupture entre militantisme et institutions et en s'appuyant sur des études empiriques dans différents contextes nationaux (France, Inde, Égypte), il s'agit d'abord de repenser la question de la dépolitisation à partir d'une analyse des conditions historiques et sociales d'émergence et de diffusion de la cause des femmes dans différents sites institutionnels et pays. En outre, l'attention portée aux propriétés sociales des actrices et acteurs, ainsi qu'aux contraintes institutionnelles pesant sur elles/eux, permet de mettre en évidence les effets ambivalents de ces processus : la définition-même de la cause des femmes est l'objet de renégociations pouvant affecter son contenu et sa diffusion au sein des institutions demeure toujours fragile et réversible.
Le concept de champ a été conçu avant tout comme un outil de construction d'objet. Il pose la question de savoir sous quelles conditions on est autorisé à autonomiser méthodologiquement un espace social, considéré à la fois comme un espace relationnel de positions et un espace de possibles. Un espace relativement autonome, c'est-à-dire caractérisé par l'illusio partagé par un groupe d'agents plus ou moins spécialisés et l'existence d'instances et d'un capital spécifiques, est la définition minimale d'un champ. On réservera le terme d'espace (au sens d'espace géométrique) à des ensembles structurés par un système de relations objectives qui sont moins autonomisées par rapport à la structure de l'espace social, ou qui se situent à l'intersection de plusieurs champs. Se pose la question des frontières géographiques de ces espaces ou de ces champs, et celle de leur localisation concrètes, laquelle invite à déterminer des échelles ou des niveaux d'observation.
Le temps n'est plus, s'il l'a jamais été, un objet délaissé par les sciences sociales. Pourtant, les approches cumulent bien souvent des limites dommageables : l'abstraction du propos tenu, l'homogénéisation des cultures temporelles à l'échelle d'une société, ou encore l'omission des rapports qu'il entretient avec le pouvoir. C'est à ces trois limites que ce dossier entend s'attaquer.
Il propose en effet des études empiriques du temps, qui se saisissent des instruments les plus matériels pour l'objectiver : agendas, plannings, emplois du temps, calendriers, montres et horloges, fréquence, durée, etc. Les articles réunis donnent à voir des manières variées de construire sociologiquement cet objet : de la socialisation temporelle de jeunes enfants, aux temps de loisir des classes supérieures ; de la temporalité d'une institution politique au contrôle du temps des personnes durablement éloignées de l'emploi et des études ; en passant par une analyse de la fréquence et de la durée des interactions entre membres de deux groupes professionnels, ou encore de l'attente qu'un État fait subir à ses administrés les plus pauvres.
Le dossier met de plus en lumière la diversité sociale des usages du temps et l'existence d'un espace social des rapports au temps, ainsi que les processus d'incorporation de ces rapports au temps socialement situés.
Enfin, il souligne les liens entre temps et pouvoir, faisant apparaître le registre ou la dimension temporelle des rapports de domination, mais aussi les dimensions symboliques associées aux attitudes et dispositions temporelles, et le caractère légitime ou illégitime des différents rapports au temps.
Des « Blancs honoraires » ? Les trajectoires sociales des Portugais et de leurs descendants en France.
Margot Delon.
Une cause perdue. Une sociologie du désenchantement politique et des coûts de l'engagement militant.
Joseph Hivert.
L'usage du monde. Hiérarchie nationale et stratégies d'internationalisation des grandes écoles d'ingénieurs.
Adrien Delespierre.
Enfiler les gants de la respectabilité. Accumulation et usages du capital culturel dans les quartiers populaires (France/États-Unis).
Akim Oualhaci.