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Xavier Barral
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Fidèle à ses principes esthétiques et à ses engagements d'acteur environnemental, Sebastião Salgado est aujourd'hui l'un des plus grands noms de la photographie contemporaine.
Depuis plus de cinquante ans, le photographe brésilien parcourt tous les continents sur les traces d'une humanité en pleine mutation. Tout en témoignant des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente - confl its internationaux, famine, exode, exploitation de l'homme par l'homme -, il n'a cessé de nous faire découvrir des territoires vierges et des paysages grandioses. Sa signature est une
iconographie proche du sacré : lyrisme des grands espaces, ciels incandescents, cadrages purs, contrastes saisissants. Ses photographies puissamment construites, aux nuances de blancs, de noirs et de gris nimbées d'une lumière hypnotique, et ses tirages d'une qualité unique ont imposé un style singulier apprécié du plus grand
nombre. La faune et la fl ore, dans leur univers originel, ont toujours tenu une place à part dans son oeuvre. À travers elles, Salgado met en exergue la préciosité de la vie et la préservation de la nature qui lui sont si chères. Pour la collection Des oiseaux, Sebastião Salgado s'est
replongé récemment dans ses imposantes archives afin de nous révéler des espèces rares - manchots, albatros, pétrels, urubus, toucans, et autres aras - qu'il n'a cessé de photographier, depuis des décennies, sur terre comme en mer, et dans des contrées reculées, que ce soit en Amazonie, en Antarctique ou en Afrique. Ce livre,
qui présente de nombreuses images jamais publiées, est une véritable ode à la beauté de notre planète. -
Cet ouvrage présente les 143 plus belles pierres de la collection de minéraux que Roger Caillois a léguée au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, ainsi que la réédition des célèbres textes Pierres, L'Écriture des pierres et Agates paradoxales. Homme de lettres et compagnon du mouvement surréaliste, Roger Caillois s'intéresse très tôt au monde minéral dont les formes évoquent pour lui des figures de l'imaginaire. Dès les années 1950, il commence à collectionner des minéraux du monde entier, des « pierres curieuses, qui attirent l'attention par quelque anomalie de leur forme ou par quelque bizarrerie significative de dessin ou de couleur ». Toutes possèdent « une ressemblance inattendue, improbable et pourtant naturelle, qui provoque la fascination ». Agates, pyrites, quartz, jaspe... elles sont autant de fragments de l'univers, d'un monde où rêve et poésie dessinent des analogies avec le monde végétal et animal mais aussi avec celui des hommes.
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À l'occasion du 50e anniversaire de la disparition de Pablo Picasso, le musée parisien dédié au peintre a invité Sophie Calle à investir l'hôtel Salé.
Carte blanche lui est donnée pour déployer son univers dans la totalité du musée. Artiste à la fois conceptuelle et littéraire, Sophie Calle aime brouiller les frontières entre réalité et fiction en déroulant souvent avec humour et légèreté une narration qui lui est propre. Dans ce lieu chargé d'histoire et confrontée à la figure d'un des maîtres de l'art moderne, Sophie Calle a choisi de vider entièrement les espaces - Picasso est expulsé de son musée ! - afin d'y installer d'une part ses meubles et objets personnels dans les étages et d'autre part de dérouler au rez-de-chaussée une fresque imaginée en écho au célèbre Guernica mais composée comme un immense collage des oeuvres qu'elle échange depuis des années avec d'autres artistes.
Pour accompagner cette exposition, qu'elle a choisi d'intituler À toi de faire ma mignonne (référence à un livre de Peter Cheyney, virtuose du roman d'espionnage), Sophie Calle a imaginé un ouvrage dans lequel elle énumère ses " rendez-vous " par défaut avec Picasso. De son premier dessin d'enfance qui fit dire à sa grand-mère qu'il y avait un " Picasso " dans la famille, à ses échanges épistolaires avec le voleur du Pigeon aux petits pois, oeuvre dérobée en 2010 au Musée d'art moderne de la Ville de Paris et jamais retrouvée, Sophie Calle se confronte aux tableaux absents du musée. Témoignages des gardiens, tableaux empaquetés durant le confinement, tentative échouée de l'École de New York pour rejouer un Guernica collectif : autant d'histoires déclinées dans cet art du récit si particulier à Sophie Calle. Conçu comme un livre d'artiste, avec son format intimiste et de délicats papiers Bible et de création, Picalso immerge dans l'univers drôle, poétique et singulier d'une figure majeure de l'art contemporain. -
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Ishimoto : Des lignes et des corps
Yasuhiro Ishimoto
- Xavier Barral
- Beaux Livres
- 27 Juin 2024
- 9782365114066
Figure exceptionnelle de l'histoire de la photographie, Ishimoto Yasuhiro a su allier l'approche formelle du New Bauhaus de Chicago à la quintessence de l'esthétique japonaise.
Cette alchimie singulière résulte d'une expérience de vie unique : né aux États-Unis de parents japonais, il passe son enfance sur l'île de Shikoku, au sud de l'archipel nippon, avant de partir étudier la photographie auprès des nouveaux maîtres du médium que sont Harry M. Callahan et Aaron Siskind, qui poussent leurs étudiants à photographier autrement le monde : d'apparence très formelles, leurs images résonnent d'une grande puissance émotionnelle. Scènes de rues, portraits d'enfants déguisés pour Halloween, panneaux publicitaires, façades d'immeubles de quartiers populaires... : les images d'Ishimoto témoignent de sa maîtrise du cadrage, de sa perception sensible des textures et des motifs.
Sans pour autant renoncer à un regard critique sur les questions sociales et politiques de son époque, Ishimoto réalise aussi de nombreuses expérimentations visuelles : séries de jambes sur la plage, de voitures enneigées, de portes d'immeubles de Chicago, de feuilles mortes devenues compositions abstraites. Largement considéré comme " étranger " par ses pairs, Ishimoto a permis d'importer une perspective " formaliste " au sein de la scène photographique japonaise de l'époque.
Conçu en étroite collaboration avec le Centre photographique Ishimoto Yasuhiro et coédité avec LE BAL, l'ouvrage présentera environ 180 photographies représentatives des premières décennies de l'oeuvre d'Ishimoto constituée entre Chicago et Tokyo, avec une attention particulière à sa célèbre série sur la villa Katsura. -
Ces scènes parfois anodines - photographiées en Italie, en France, au Danemark, en Finlande ou encore au Népal -, sont souvent teintées de mélancolie et révèlent l'univers poétique du photographe.
Ses images en noir et blanc témoignent d'une attention particulière accordée aux détails, à la lumière qui modèle les espaces, aux étendues silencieuses dans lesquelles surgit soudain une présence humaine ou animale. La forte présence de la nature, le mimétisme entre le vol des oiseaux, le mouvement des arbres dans le vent, le poids de la neige, l'étendue des nuages... confèrent à ses images la puissance évocatrice de contes visuels. La contemplation du monde à travers l'objectif de Pentti Sammallahti donne à voir une nature sensible, parfois même lyrique.
L'expérience de l'image est double : au-delà de sa virtuosité narrative, son usage de la bichromie, avec des blancs immaculés, tel le plumage de ses cygnes ou de ses flamands roses, confrontés à des noirs profonds, crée un jeu sur les textures et restitue avec force un monde où les oiseaux tiennent une place singulière.
Pour cet ouvrage, Guilhem Lesaffre met en lumière la relation aux saisons qui est un aspect fondamental de la vie des oiseaux. Là où il existe, l'hiver est une contrainte importante avec laquelle les oiseaux doivent composer et qui induit notamment des stratégies de recherche de nourriture et d'économie d'énergie, ou encore le grégarisme. L'auteur associe ici la vie des oiseaux en hiver avec les photographies de Pentti Sammallahti.
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« J'aime les détails, les petites choses qui nous entourent. Le quotidien me fascine. Dans mon travail, je cherche à découvrir la richesse du monde », énonce Rinko Kawauchi. Pour la collection Des oiseaux, la photographe japonaise - figure de sa génération et qui a déjà publié aux Éditions Xavier Barral/Atelier EXB Halo et Illuminance - a porté son regard sur le printemps des hirondelles au Japon, saison des naissances. À l'abri des curieux, dans l'embrasure des fenêtres ou dans les sous-pentes des toits, ces minuscules oiseaux construisent des nids composés de terre, d'argile, d'eau et d'herbes sèches afin d'y protéger leurs couvées. Avec la poésie et le sens du détail qui la caractérisent, Rinko Kawauchi fait surgir la beauté éphémère d'instants suspendus : la fulgurance d'un vol, l'avidité d'une becquée, l'agilité des postures. Petites créatures fragiles faites de quelques grammes de plumes, les hirondelles, grâce à leurs ailes aiguës, se perchent partout avec aisance et grâce. Immergées dans la lumière de ciels opalescents, en équilibre sur des fils électriques, perdues parmi la densité des feuillages, les hirondelles s'envolent avec fulgurance toutes ailes déployées, filant tel l'éclair pour nourrir leurs oisillons : leur vie se dévoile sous nos yeux émerveillés. Les cadrages décentrés, les trajectoires de vol semblant filer hors champ, les vues en plongés et contre plongés, les effets de lumière surexposée, les associations visuelles, l'immersion dans la nature, l'infiniment petit, la perception des textures - plumes, brins d'herbe, becs lustrés... - donnent à voir le merveilleux du monde.
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L'une des agences de presse la plus célèbre du monde fêtera en 2022 son 75e anniversaire.
Fondée en 1947 par Robert Capa, David " Chim " Seymour, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, William et Rita Vandivert, en association avec Maria Eisner, Magnum Photos Inc naît simultanément à New York et à Paris un 22 mai. Son fonctionnement, sous la forme d'une coopérative, la distingue dès sa création et garantit à ses membres le contrôle de leur travail. L'agence regroupe des signatures majeures du monde de la photographie, dont les images, certaines devenues iconiques, nous aident à mieux voir et comprendre notre société. Rassemblant près de cent photographes, l'agence est organisée selon une hiérarchie qui lui est propre, avec notamment un système de nomination par ses membres. À l'occasion de son 75e anniversaire, le livre Magnum Photos 75 met en perspective l'histoire de l'agence et des photographes qui y oeuvrent, avec en toile de fond les événements qu'ils ont traversés, expérimentés, capturés. Au fil de textes courts et organisés de manière chronologique, le livre raconte les " petites histoires " qui se cachent derrière les grandes photographies. De Mai 68 au 11-Septembre 2001, en passant par la guerre du Vietnam et les conflits plus récents, toute l'Histoire du xxe siècle et le début du suivant est ici déroulée sous l'objectif des photographes de l'agence. On découvre les coulisses d'un voyage, les rencontres qui changèrent une vie, le contexte de publication d'un livre mythique, l'engagement politique d'un photographe, ou encore le scénario improbable d'une image devenue célèbre. Écrit sur le mode de l'enquête, le livre se déploie dans une écriture journalistique, concise, qui va à l'essentiel. Chaque date clé et chaque photographe donnent lieu à un récit qui, mis bout à bout, dressent la grande fresque historique d'une agence qui s'inscrit pleinement dans l'histoire contemporaine.
Destiné autant au néophyte qui désirerait découvrir la photographie documentaire, qu'au spécialiste qui souhaitera compléter ses connaissances, Magnum Photos 75 est un recueil d'anecdotes et d'histoires singulières puisées dans les archives de l'agence, grâce au travail mené par l'auteur. L'ouvrage se distingue également par son originalité : parler de photographies sans jamais les montrer mais uniquement en les convoquant par le texte. Il faudra déplier les gardes avant et arrière du livre pour découvrir les images cachées à l'intérieur... Magnum Photos 75 est l'un des livres les plus complets sur cette mythique agence de presse. -
Le temps, la mémoire, la beauté sont des thèmes qui traversent toute l'oeuvre des photographes. « Nous cherchons à expérimenter la beauté de la découverte », précisent-ils. Entre réel et illusion, l'image interroge notre rapport au monde tangible. « La photographie nous aide à comprendre la réalité, les images sont comme des notes visuelles dans un carnet. » Chaque image est comme une histoire arrêtée. Ses nuances chromatiques, nous immergent dans la couleur. Cabrera et Albarrán utilisent de nombreux procédés : tirage platine, au palladium, cyanotype, gélatine argentique, impression pigmentée... L'image se fait vibration sensible. Pour la collection Des oiseaux, le duo a réalisé des photographies spécialement pour le livre. La beauté de l'éphémère, une certaine mélancolie mais aussi la fragilité de l'instant saisi par l'objectif se révèlent au fil d'images en couleurs mordorées ou en monochrome. Les oiseaux semblent tout droit sortis de contes fantastiques ; ils prennent leur envol sur des surfaces miroitantes, se dispersent parmi de sombres frondaisons. Les cadrages serrés soulignent leur présence physique. Les oiseaux deviennent presque abstraits. Cou souple bicolore d'un couple de cygnes, bec immaculé d'une poule d'eau d'un noir lustré, ailes de palombes déployées aux pennes argentées, plumes de paon au somptueux tombé : le jeu formel des formes sert de contrepoint à la saturation des couleurs. Cabrera et Albarrán laissent l'interprétation de leurs images à la mémoire du spectateur, s'inscrivant dans la démarche de Joan Miró, qui dans son tableau Bird in Space, donne une représentation minimale de l'oiseau, à travers des points ou des ombres, pour laisser voler notre imagination.
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A master of landscape photography, Michael Kenna's images reveal a world that is almost evanescent. One where diaphanous light enshrouds nature in mystery, with islands, rivers, and even summits standing out in the distance. «In all of my work there is a certain prevailing theme which has something to do with memory, with time, with change.» Birds soar overhead, tracing aerial figures in fleecy skies, come to rest on a branch, or fly gracefully over hazy expanses of water. Suspended flight, halted moments in time-one that is frozen, immutable.
Shades of gray and depth of field give Michael Kenna's photographs a somewhat melancholic feel. All is silence.
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A major figure of Latin-American photography, Graciela Iturbide's approach combines the documentary and the lyrical. Off-center compositions, graphic effects, and heavy shadows create a poetic universe where a feeling of strangeness is combined with one of harsh reality. The powerful equilibrium of her compositions produces skies filled with birds, comical, unexpected situations where chickens are pictured sitting wisely on market stalls, while elsewhere chirping flocks appear to invade the scene in agile, flowing movements. For Iturbide, living birds represent freedom. But death is never far away in her work, nor indeed is a certain sense of the surreal.
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Ses oeuvres étranges invitent le spectateur à pénétrer dans son esprit pour un voyage extrême : l'exploration des recoins de l'inconscient et de ses pulsions secrètes. Pour la collection Des oiseaux, Ballen a réalisé une série de photographies spécialement pour l'ouvrage. Dans des univers clos, où s'accumulent graffiti, signes, ombres et fragments, se jouent des histoires qui viennent bousculer notre regard. La frontière entre fantaisie et drame se floute. Le monde non logique d'une Alice au pays des merveilles, malicieuse et parfois pas si gentille, semble s'animer sous nos yeux. Oiseaux sagement posés parmi un décor de poupée, surgissant derrière un mur de carton pâte, évoluant au milieu de jouets abandonnés et brisés par un enfant mécontent, ou encore jouant à l'équilibriste sur des ballons, s'acoquinant avec des ours en peluche, réels ou dessinés : tous participent au délire amusé de l'artiste. Un géant patibulaire tient délicatement dans sa main une colombe, deux pigeons semblent élire pour leur future nichée une perruque d'inspiration surréaliste, ailleurs, deux tourterelles sont perchées sur une cage à oiseau dans laquelle se tient... un chien. Mains, pieds et bouches percent les murs, surgissent de manière incongrue. Entre effroi et rire, fantastique et poésie de l'absurde, l'univers de Roger Ballen rappelle celui des films de Cocteau où se mêlent lyrisme et sentiment de l'étrange.
Les oiseaux de Roger Ballen pulvérisent les codes de la représentation, mais l'absurde n'est-il pas le miroir de nos songes ? -
De l'émergence de l'agriculture, il y a plus de 10 000 ans, aux questions que soulèvent les semences hybrides actuelles, en passant par la découverte des usages des graines à travers les cultures et les époques, l'ouvrage explore les enjeux de la diversité. De la domestication à la commercialisation, les graines parlent de l'évolution de nos pratiques tant sociales que culturelles. Elles racontent la grande histoire des hommes : leur diffusion, acclimatation, réglementation font écho à la mondialisation, croissance des productions et acculturations de nos sociétés.
Issues, pour la plupart des collections du Muséum national d'histoire naturelle, ces graines sauvages ou cultivées venues du monde entier fascinent par leur beauté formelle : couleurs, textures, contours, apparences, elles captent le regard, interrogent nos perceptions. Accompagnées d'un corpus de textes signés de botanistes, ethnologues et ingénieurs agronomes, les images de Thierry Ardouin ouvrent des champs de réflexion sur l'avenir de nos sociétés et leur aptitude à imaginer demain. Comment consommer sans dégrader, produire sans appauvrir, vivre sans détruire ? -
In 1977, photographer Masahisa Fukase turned his lens toward a new companion: his cat, Sasuke. «That year I took a lot of pictures crawling on my stomach to be at eye level with a cat and, in a way, that made me a cat. It was a job full of joy, taking these photos playing with what I liked, in accordance with the changes of nature.» A year later, he acquired a second cat, named Momoe. «I didn't want to photograph the most beautiful cats in the world but rather capture their charm in my lens, while reflecting me in their pupils,» he wrote of these images. «You could rightly say that this collection is actually a 'self-portrait' for which I took the form of Sasuke and Momoe.» Featuring tipped-on cover images, this gorgeously made book is arranged in four chapters, organized around the chronology of Fukase's life with his cats. As so often in his work, these tender images also express the photographer's subjectivity and his connection to his subject.
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Chacune de ses images raconte une histoire, saisit des fragments de vie de femmes et d'hommes issus de la middle class, du monde agricole, des mornes banlieues ou des rues agitées des grandes métropoles que sont New York, Chicago, Los Angeles ou encore sa ville natale, Minneapolis.
Travaillant exclusivement en argentique, Arndt capture dans des noirs et blancs veloutés une Amérique populaire, avec ses quartiers pauvres, ses comptoirs de diners, ses vitrines de supérette, ses trucks et Cadillac... Des instantanées de vie restitués avec empathie et une grande science du cadrage. Les enseignes lumineuses, les reflets dans les vitrines (thème qui traverse toute l'oeuvre du photographe), les silhouettes prises sur le vif, sont autant de détails qui structurent l'image photographique. Lumières et lignes architecturales composent des images puissantes, des icônes d'une Amérique intemporelle. De la série des Farmers, réalisée dans le Dakota, aux rues de New York avec ses gosses et sa faune de noctambules, Tom Arndt montre la solitude, l'errance, l'ennui, le quotidien, la simplicité et l'âpreté du monde.
Pour ce premier ouvrage monographique publié en français, Tom Arndt a ouvert ses archives. Au fil d'une centaine d'images, c'est un demi-siècle d'histoire américaine qui est conté dans une déambulation menée tel un road-movie. Une Amérique désinvolte et familière, dont les symboles appartiennent désormais à la culture populaire.
Des essais signés de Sarah Meister, ancienne directrice du département Photographie du MoMA de New York, et de Yasufumi Nakamori, senior curator à la Tate Modern de Londres, replacent l'oeuvre photographie de Arndt dans l'histoire de la photographie américaine. -
C'est en 1965, sept ans après un séjour de quatre mois à Londres, qu'il écrivait dans une brève introduction à son livre El rectangulo en la mano : « c'est au fond de moi que je cherche les photographies, lorsque, l'appareil à la main, je jette un oeil au dehors ; je peux consolider ce monde de fantômes lorsque je rencontre quelque chose qui résonne en moi. » Ce nouvel ouvrage en est la preuve tangible. Il fait suite au premier publié en 1999 par Hazan qui tenu lieu de « premier jet » avant que Sergio Larrain n'y fasse quelques retouches, alors que nous lui avions suggéré de nombreuses photos oubliées, qu'il n'avait d'abord pas considérées.
Le photographe chilien a été retenu dans l'histoire du médium essentiellement pour son oeil acéré et brillant certes, mais surtout pour les images de Valparaiso. Le corpus photographique réalisé pendant les quatre mois de cette résidence à Londres durant l'hiver 1958-1959 constitue le premier essai d'importance du photographe, qui devait ainsi faire ses preuves, en partie sur les traces de Bill Brandt qu'il appréciait. Curieusement, les photographies que Larrain a prises à Londres, sur le mode de la flânerie, ont été peu reproduites dans la presse, ce qui aurait pu être possible grâce à Magnum Photos, sa nouvelle agence. Car c'est à la faveur de ce voyage vers l'Angleterre que l'aspirant photographe fit un stop à Paris pour rencontrer son mentor Henri Cartier-Bresson et intégrer Magnum.
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Réalisées dans l'espace de son jardin personnel, elles révèlent la vie cachée des mésanges, moineaux et autres passereaux qui nichent dans les jardins urbains. Oscillant entre fantastique et réel, ses images semblent prises à la dérobée. Elles montrent des instants volés : vols suspendus, oiseaux dissimulés dans les feuillages, solitaire crânement posé sur une branche, mais aussi ballets aériens de linottes et courses poursuites entre geais et grives. Prises le plus souvent au ras du sol, le nez dans l'herbe, l'objectif de l'appareil perdu dans les fleurs, ses photographies semblent se substituer à l'oeil de l'ornithologue, celui qui observe, fasciné, un monde autre : celui des oiseaux.
Les saisons se succèdent, les couleurs du jardin varient, passant des orangés, aux bleus et verts vifs de l'été au blanc immaculé de l'hiver. Lumières et couleurs saturées, jeux entre flou et ultra netteté du détail, arrêts sur image dessinent une « supra réalité ». Terri Weifenbach nous immerge dans l'infiniment petit, nous transportent dans un monde particulièrement animé où les oiseaux filent à toute allure, dansent, ou se posent, se figent et tiennent des conciliabules. Elle révèle le merveilleux de leur monde.
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Profondément imprégné de la tradition picturale japonaise, le photographe explore la vie quotidienne tokyoïte et capture des scènes aux confins du fantastique. Ses cadrages et ses couleurs acidulées confèrent à ses images une certaine étrangeté. Formes, textures, nuances colorées, profondeur de champ élaborent un vocabulaire visuel à la fois poétique et pop. « Ce sont les interprétations variées qu'a un spectateur d'une image qui rendent la photographie intéressante », précise le photographe. Yoshinori Mizutani observe avec minutie l'espace urbain et ses excentricités. Sa série Parrots présentait les perroquets sauvages aux couleurs acidulées qui peuplent désormais la ville de Tokyo. Ici, corbeaux, hirondelles, moineaux et autres passereaux des villes saturent l'environnement urbain, ciel, arbres, poteaux électriques, lignes téléphoniques sont envahis, réinvestis. Ils deviennent alors autres, et le passant les perçoit différemment. Parfaitement posés et alignés en rangs serrés sur les fils électriques qui sillonnent le ciel de toute capitale, les oiseaux se font armées, colonies ordonnées. Les lignes graphiques qu'ils forment redessinent l'espace urbain. Visions de rêve ou de cauchemars, les oiseaux de Yoshinori Mizutani saturent par leur présence le monde de la ville et lui restitue son mystère.
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" Elle s'est appelée successivement Rachel, Monique, Szyndler, Calle, Pagliero, Gonthier, Sindler. Ma mère aimait qu'on parle d'elle. Sa vie n'apparaît pas dans mon travail. Ça l'agaçait. Quand j'ai posé ma caméra au pied du lit dans lequel elle agonisait, parce que je craignais qu'elle n'expire en mon absence, alors que je voulais être là, entendre son dernier mot, elle s'est exclamée : "Enfin'. " Sophie Calle raconte Monique à travers des extraits de carnets intimes et de photographies issues d'albums de famille et présente son installation créée au Palais de Tokyo en hommage à sa mère décédée en 2007. Mais ce livre est avant tout un véritable objet conçu avec l'artiste.
Le texte de la couverture est brodé pour en faire un objet précieux et l'ensemble des textes liés à l'installation sont gaufrés afin de retrouver la matière de certaines oeuvres de Sophie Calle. Il s'agit d'un ouvrage très personnel et émouvant et en même temps d'une réflexion sur la mort qui touche chacun d'entre nous.
Sophie Calle a représenté la France à la Biennale de Venise, en 2007, et a reçu le Prix de Photographie Hasselblad en 2010. -
Artiste mythique du New York des années 1960, Bettina Grossman (1928-2021) a développé pendant plus de soixante ans une oeuvre prolifique passant de la photographie, à la sculpture, du cinéma au dessin.
Cet ouvrage est le premier qui présente son exceptionnel travail photographique, nourri de la pratique d'une sculpture concep-tuelle. Personnalité excentrique totalement dédiée à son art, Bettina réside à partir de 1968 au célèbre Chelsea Hotel, suite à l'incendie de son atelier dans lequel elle perd toutes ses archives. Vivant telle une recluse dans cette communauté d'artistes, qui a vu passer aussi bien Jack Kerouac que Sid Vicious. Dans ce bouillon culturel, elle produit et accumule dans son minuscule studio une oeuvre considérable et majeure qui s'inscrit pleinement dans la grande histoire des avant-gardes artistiques du xxe siècle.
Ses recherches sur la forme, qu'elle soit graphique, sculpturale ou photographique, la conduisent à expérimenter, questionner, l'idée même de processus artistique. Durant des années, images, dessins, modelages, élaborent une oeuvre singulière qui reconsidère en permanence l'idée d'oeuvre d'art. Ses pièces sont suspendues dans l'atelier, accrochées aux murs, posées à même le sol : elles envahissent l'espace dans un continuum menant au vertige, le geste artistique se fait expérience physique et visuelle. Aux confins de l'abstraction, Bettina manipule, tord, étale, étire matière, lumière et ombre. Sa pratique sérielle - sujet majeur des arts con-temporains - donne à voir un univers hypnotique et d'une grande puissance visuelle, présenté ici pour la première fois. -
Cet ouvrage, qui rassemblera pour la toute première fois le travail artistique de Masahisa Fulkase dans son ensemble, paraîtra aux Éditions Xavier Barral, en septembre 2018, à l'occasion d'une grande rétrospective qui aura lieu au Fotographiemuseum d'Amsterdam (FOAM), un an après celle des Rencontres d'Arles, qui s'est tenu à l'été 2017.
Connu pour The Solitude of Ravens, où des corbeaux menaçants en nuée ou solitaires noircissent des pages d'un bout à l'autre de ce livre mythique paru en 1986, le photographe japonais Masahisa Fukase, parmi les plus radicaux et les plus originaux de sa génération, possède en réalité une oeuvre protéiforme : recherches formelles, surimpressions, collages, autoportraits, photographies retravaillées au dessin, tirages noir & blanc, polaroids...
Ses deux commissaires, Simon Baker, directeur du département photographique de la Tate Modern, à Londres, et Tomo Kosuga, directeur des archives Masahisa Fukase, à Tokyo, seront les auteurs de ce livre-somme qui présentera 26 séries de l'oeuvre de Fukase, notamment celles consacrées à son père (Memories of Father), sans oublier celle sur les chats, y compris le sien, Sasuke, et ses fameux autoportraits pris dans une baignoire, avec un appareil étanche ( Bukubuku ) ou en duos ( Berobero ) qui se touchent la langue et qu'ils coloriera par la suite. Fukase aura tout expérimenté au cours de sa vie professionnelle et ce travail longtemps resté dans l'ombre, où la dramaturgie côtoie autant l'ironie que la provocation, méritait un ouvrage complet, d'autant que la plupart de ses parutions se limitaient jusqu'alors à son pays natal. -
En juillet 1985, Sophie Calle a été invitée, ainsi qu'Hervé Guibert, Jacques Monory et Denis Roche, à projeter et commenter ses photographies au Théâtre antique d'Arles. Denis Roche clôturait le programme avec une merveilleuse idée. Dans l'obscurité, il racontait les instants qui précédaient sa décision de prendre une photo, puis il montrait l'image le temps d'un déclic ».
C'est par ce récit, Déclic , le déclic de l'appareil photo aussi bien que celui du cerveau dans lequel l'idée surgit, que Sophie Calle ouvre Parce que.
Comme Denis Roche, elle entreprend d'y raconter la raison, ou du moins une raison, qui l'a poussée à appuyer sur le déclencheur. Inversant ainsi le rapport de primauté naturel entre une image et les mots qui l'accompagnent, Sophie Calle soulève une réflexion sur l'influence que peuvent avoir ces derniers sur notre réception de la photographie. Celle-ci ne se révèle d'ailleurs qu'a posteriori, dissimulée dans l'interstice de la reliure à la japonaise. Loin de se réduire à de simples légendes, ces mots - une pensée, un récit ou une interrogation - n'adhèrent pas de manière conforme à l'image qui les accompagne : ils marquent, au contraire, un fort contraste avec elle, le plus souvent avec malice, parfois avec nostalgie. Sophie Calle signe ainsi un ouvrage à la conception originale, qui s'inscrit dans la continuité de son oeuvre impertinente et poétique.
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En 2008, elle commence à réaliser des portraits photographiques d'oiseaux en travaillant aux côtés d'ornithologues dans des réserves naturelles. Sujets particulièrement difficiles à saisir en raison de leur grande mobilité et de leur furtive attention, les oiseaux requièrent un art de l'attente que Leila a développé depuis des années passées dans les forêts et jungles tropicales. « J'ai toujours remarqué que beaucoup d'oiseaux avaient des expressions particulières. Pour les capter, il m'a fallu trouver comment les photographier de manière à faire surgir leur caractère propre, souligne-t-elle. Ma façon préférée de les photographier est d'installer un studio de portrait dans un endroit qui leur est familier. Je leur parle pendant que je travaille afin qu'ils interagissent avec moi. » Les temps de pose sont extrêmement longs de même que le travail en post-prod - nécessaire pour séparer ces merveilleuses créatures de leur environnement naturel. Cacatoès noirs, perruches sauvages, hiboux fauves, pigeons roses ou pinsons jaunes, tous semblent parés de leurs plus beaux atours. Tour à tour, gracieux, espiègle, farouche, fier, timide, poseur : chaque oiseau photographié laisse transparaître sa personnalité. Galerie de portraits à la fois fantaisistes et hyperréalistes, les images de Leila Jeffreys invitent à la rencontre d'espèces exotiques ou plus connues qui toutes semblent vouloir dialoguer avec le regardeur. Les somptueuses couleurs des plumes, du rose poudré au jaune citron, du vert émeraude au bleu cyan, confèrent à ces graciles personnages un chic pop et élégant.
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L'espace urbain s'appréhende par fragments, se devine au fil des silhouettes qu'on y croise. Brumes, grains explosés, lumières parfois saturées, nuances de gris, couleurs monochromes jouant avec des bleus froids ou des orangés chauds, chez Bogren l'expérience visuelle se fait sensible. Où sommes-nous ? Dans une cité peuplée de présences solitaires, immergées dans une ville aux façades qui ressemblent à des murailles : il s'agit de voir au-delà des apparences, de passer de l'autre côté du miroir, perdre pied pour mieux voir. Chaque image est une vision, saisie alors qu'elle semble se dissoudre sous nos yeux : on distingue des passages, des architectures, les couloirs d'une station de métro, au loin une île hérissée de buildings. L'errance est aussi faite de rencontres, de personnages saisis sur le vif, telles des apparitions, les yeux clos parfois, enfermés dans leur monde intérieur, souvent pris en close-up. Saisir l'intimité, dire le fragile, donner à voir l'impermanence des choses : l'univers visuel de Martin Bogren révèle l'illusion du monde. Ses images captent sur leur surface un réel qui se dérobe mais que l'art du photographe a su saisir in extremis, à la dérobée. La vie est un songe et toute réalité n'est qu'illusion, pour reprendre Pedro Calderon, et plonger dans l'irréalité demeure un plaisir.