Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n'est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l'âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l'abandonne à son tour.
La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie.
Lorsque l'irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même...
« Ce n'est pas un éblouissement, pas une surprise. On est tout à coup dans cette lumière-là, comme si on l'avait toujours habitée. On vient de sortir du tunnel. Le train n'a pas changé de cadence, il y a juste eu un petit crescendo dans la musique, moins un bruit de moteur qu'une tonalité nouvelle, offerte au vent. Une infime parenthèse entre deux talus, et d'un seul coup : le paysage. Montagne, lac ou forêt, château en ruine ou autoroute, on sait tout absorber, tout devenir ».
Comme on les chérit, ces instants suspendus dans nos vies.
Passer le doigt sur une vitre embuée. La mouche de l'été dans la chaleur de la chambre. Le jaillissement du paysage à la sortie du tunnel ferroviaire...
Dans toutes les histoires d'amour se rejouent les blessures de l'enfance : on guérit ou on creuse ses plaies.
Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu'elle sort de sa tête, le temps d'un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence. La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l'adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l'addiction, l'implosion de leur idylle au contact du réel.
Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s'épanouissait au creux de son célibat voit son coeur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible. La décennie passée ne change en rien la donne : Guillaume est toujours gay, et qui plus est en couple. Aussi Clotilde espère, au gré des arrêts de gare, trouver une solution d'ici le terminus.
Un fils apprend au téléphone le décès de son père. Ils s'étaient éloignés : un malentendu, des drames puis des non-dits, et la distance désormais infranchissable.
Maintenant que l'absence a remplacé le silence, le fils revient à Trappes, le quartier de son enfance, pour veiller avec ses soeurs la dépouille du défunt et trier ses affaires. Tandis qu'il débarrasse l'appartement, il découvre une enveloppe épaisse contenant quantité de cassettes audio, chacune datée et portant un nom de lieu. Il en écoute une et entend la voix de son père qui s'adresse à son propre père resté au Maroc. Il y raconte sa vie en France, année après année. Notre narrateur décide alors de partir sur les traces de ce taiseux dont la voix semble comme resurgir du passé. Le nord de la France, les mines de charbon des Trente Glorieuses, les usines d'Aubervilliers et de Besançon, les maraîchages et les camps de harkis en Camargue : le fils entend l'histoire de son père et le sens de ses silences.
En 2022, en pleine crise de l'hôpital, Camille Cambon, médecin légiste vaillante et brillante, reçoit un mail énigmatique. Il y est question du peintre Goya et de son crâne volé après son inhumation à Bordeaux en 1828, et dont on a depuis perdu la trace. D'abord portraitiste officiel de la cour, aimé des puissants, le maître espagnol devint, à la suite d'une maladie, l'observateur implacable et visionnaire des ténèbres de l'âme humaine.
Les parents de Camille et son parrain, neurologue, se sont passionnés pour l'oeuvre de Goya, avant de devenir des scientifiques de renommée internationale.
Camille part rencontrer à Bordeaux sa mystérieuse correspondante, une ancienne directrice de théâtre qui a bien connu ces trois-là, alors étudiants en médecine, dans les années 1960, et semble tout savoir de leur obsession partagée pour Goya. Une quête effrénée, entre passion scientifique et déraison, où chacun a pris toutes les libertés et tous les risques, au point de s'y brûler les ailes.
Du siècle des Lumières à la création d'une société secrète de médecins, Les Alchimies est une fresque captivante sur l'origine du génie, les amitiés qui ressemblent à l'amour, les pouvoirs obscurs et merveilleux de l'art.
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d'habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l'hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l'amour. Un soir de 15 août où l'on fête l'indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l'après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin...
Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?
En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières - en particulier le Cimetière des Riches, où tout le monde rêverait d'avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie.
Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d'ailleurs étrangement vivants.
Les deux héros de ce « roman sans fiction » semblent avoir vécu plusieurs existences. Le jeune avocat londonien Mohandas Gandhi en redingote noire et chapeau haut-de-forme devint l'infatigable marcheur vêtu de drap blanc, tandis que Pandurang Khankhoje, lui aussi militant indépendantiste indien, bourlingua un peu partout dans le monde, du Japon à la Californie, combattant révolutionnaire au Moyen-Orient pendant la Première Guerre mondiale, par la suite exilé au Mexique et proche de la petite bande de Diego Rivera et de Frida Kahlo. Il deviendra alors un scientifique célèbre, mènera des recherches en agronomie comme Alexandre Yersin, le personnage principal de Peste & Choléra venu en Inde lors de la grande épidémie de peste.
Le« samsara » définit la grande roue des vies successives à travers la réincarnation. Et c'est bien dans une grande roue que nous entraîne Patrick Deville dans ce nouveau roman, vaste fresque peinte tambour battant, sur un rythme haletant, de l'Inde coloniale puis indépendante, à travers les deux figures fil rouge de Gandhi le pacifiste, et plus encore de Khankhoje le révolutionnaire cosmopolite.
C'est pendant une autre épidémie, récente, que le narrateur parcourt un pays devenu le plus peuplé du monde, depuis les contreforts de l'Himalaya jusqu'à la pointe extrême du sous-continent, à Kanyakumari au sud du Tamil Nadu. Il rencontre des historiens et des géographes, des écrivains et des étudiants, et grâce à eux essaie de comprendre un peu l'histoire des bouleversements souvent terribles qui se sont enchaînés, depuis l'installation du Raj britannique à Calcutta dans les années 1860 jusqu'à nos jours.
Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l'attaque contre l'ennemi allemand. Les soldats s'élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d'Alfa, son ami d'enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s'enfuit. Lui, le paysan d'Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l'effroi. Au point d'effrayer ses camarades. Son évacuation à l'Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d'ultime et splendide résistance à la première boucherie de l'ère moderne.
À Macondo, petit village isolé d'Amérique du Sud, l'illustre famille Buendía voit, cent ans durant, les générations se succéder. Dans un tourbillon de tragédies, d'amours dévorantes, de superstitions et de guerres civiles, cette lignée connaît une épopée mythique à la saveur inoubliable qui traverse les trois âges de la vie : naissance, maturité et décadence. Époustouflant et magnétique, Cent ans de solitude est l'un des plus grands romans du XXe siècle et a été admiré par des millions de lecteurs à travers le monde.
Gabriel García Márquez est né en 1928 à Aracataca. Formé au journalisme, qu'il a toujours exercé avec passion, il a bâti une oeuvre romanesque qui a fait de la Colombie un mythe littéraire universel. En 1982, il a reçu le prix Nobel de littérature. Il est décédé en 2014.
« Le Don Quichotte de notre temps. » Pablo Neruda.
« L'ensemble de l'humanité devrait lire Cent ans de solitude. » The New York Times Book Review.
Leïla, Tarek et Saïd grandissent dans un village de l'est de l'Algérie, au début des années 1920. La première, mariée très jeune contre son gré, décide de se séparer et retourne chez ses parents, avec son fils, dans la réprobation générale. Tarek est un berger timide et discret. Saïd, lui, vient d'une famille plus aisée et poursuit des études à l'étranger. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla.
La Seconde Guerre mondiale envoie les hommes au front, ils se perdent de vue. Saïd devient un homme de lettres. Tarek, rentré au village, épouse Leïla et adopte l'enfant. Trois filles suivront. Bientôt il rejoint la lutte pour l'indépendance, puis participe au grand tournage de La Bataille d'Alger, avant de partir travailler dans une usine, en région parisienne. Par une suite de hasards inattendus, il se retrouve gardien d'une magnifique villa à Rome, temps suspendu dans une trajectoire tourmentée.
Leïla, elle, connaît la vie des femmes rurales de cette époque. Cantonnée dans l'éducation des enfants et les tâches ménagères, elle décide d'apprendre à lire et à écrire.
Mais la publication du premier roman de Saïd vient bouleverser la vie du couple. Tarek doit rentrer au plus vite.
À travers les destins croisés de trois personnages, Kaouther Adimi dresse une grande fresque de l'Algérie, sur un siècle ou presque, de la colonisation à la lutte pour l'indépendance, jusqu'à l'été 1992, au moment où le pays bascule dans la guerre civile.
Dans un Nigéria imaginaire, un mystérieux réseau monnaie, en vue de pratiques rituelles, des organes dérobés à l'hôpital. Le docteur Menka s'en ouvre à son plus vieil ami, Duyole Pitan-Payne, bon vivant, yoruba, ingénieur émérite. Duyole s'apprête à prendre un poste prestigieux aux Nations unies, mais il semblerait qu'on soit déterminé à l'en empêcher. Et si le docteur Menka et Duyole ne savent pourquoi, ils ignorent aussi à quel point l'ennemi est proche et féroce.
Farce littéraire, machination redoutable et réquisitoire cinglant contre la corruption des élites, Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde est un grand roman qui signe le retour de Wole Soyinka, Prix Nobel, un des géants de la littérature mondiale.
Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu'elle aurait dû connaître si elles n'avaient été assassinées, et leurs amies.
C'est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui. Mais aussi celui du génie de l'enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.
Cloé Korman est née en 1983 à Paris. Son premier roman, Les Hommes-couleurs (Seuil, 2010), a été récompensé par le prix du Livre Inter et le prix Valery-Larbaud. En 2013, elle a publié, toujours au Seuil, Les Saisons de Louveplaine, puis Midi en 2018, et Tu ressembles à une juive en 2020.
Élevé dans une famille ouvrière de Picardie, Eddy ne ressemble pas aux autres enfants. Sa manière de se tenir, son élocution, sa délicatesse lui valent de nombreuses humiliations et injures, tant par ses camarades de classe que par son père alcoolique et sa mère revêche. Lui-même finit par s'interroger sur cette homosexualité dont on le taxe avant même qu'il éprouve le moindre désir. Mais la véritable persécution ne vient-elle pas du conditionnement social ? Il parviendra à s'arracher à cette chape écrasante, qui donne au récit une allure zolienne, et à imposer sa personnalité en poursuivant des études de théâtre à Amiens, loin de l'enfer familial et villageois qu'il a connu. Ce texte, psychologiquement frappant, dresse un tableau saisissant d'un monde populaire brutal et sensiblement archaïque. Mais la finesse de l'auteur, par ailleurs sociologue, resitue dans un contexte social le drame familial qui aurait pu devenir une vraie tragédie individuelle. Comment échapper à la détermination ? Comment chaque être peut-il inventer sa liberté ?
« Une question s'est imposée au centre de ma vie, elle a concentré toutes mes réflexions, occupé tous les moments où j'étais seul avec moi-même : comment est-ce que je pouvais prendre ma revanche sur mon passé, par quels moyens ? J'essayais tout. » É. L.
Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron.
Non non non non, rassurez-vous, ce n'est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons...
Dans ce grand bois donc, régnaient grande faim et grand froid. Surtout en hiver. En été une chaleur accablante s'abattait sur ce bois et chassait le grand froid. La faim, elle, par contre, était constante, surtout en ces temps où sévissait, autour de ce bois, la guerre mondiale.
La guerre mondiale, oui oui oui oui oui.
J.-Cl. G.
« Souviens-toi, maman : nous étions tes enfants. » C.K.
C'est l'histoire d'une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l'été.
C'est le récit incandescent d'une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.
Il existe depuis toujours des Journaux de voyage, de rêve, de deuil, mais pas de nage. Pourtant, quoi de plus fragile et puissant, éphémère et total, sensuel et inspirant que le plaisir du bain ? En tenant le Journal de son été 2021 à Nice, Chantal Thomas innove, et poursuit l'entreprise paradoxale entamée avec Souvenirs de la marée basse, portrait de sa mère en nageuse : doter d'une mémoire ce qui, se traçant sur l'eau, se jouant dans un effet de lumière, est voué à l'effacement.
« Comme sont loin de moi par exemple les muscles de mes bras. » Cette phrase de Kafka, véritable fil conducteur, a été le déclic à partir duquel il lui a semblé essentiel, au sortir du confinement, de célébrer le chemin flottant d'un retour à soi, d'une harmonie retrouvée avec son corps et avec le monde.
« Trois mois. D'après maman, ça fait précisément trois mois aujourd'hui qu'on est enterrés dans ce fichu camp. Et ça fait presque quatre ans que j'ai quitté l'école Jacques-Prévert de Sarcelles. ».
R. B.
Fabien est un petit garçon heureux qui aime, le football, la poésie et ses copains, jusqu'au jour où ses parents rejoignent la Syrie. Ce roman poignant et d'une grande humanité raconte le cauchemar éveillé d'un enfant lucide, courageux et aimant qui va affronter l'horreur.
« Vous est-il déjà arrivé un soir de réveillon de croiser le père Noël égaré dans votre propre cheminée ? Ou vous êtes-vous déjà endormi dans votre petit lit douillet et réveillé quelque part entre Pitchik et Pitchouk étoilé et numéroté ? Non ? Alors réjouissez-vous car ce conte est pour vous.
Une très vieille personne - de mon âge, c'est tout dire - me confia sous le sceau du secret la recette de ce conte de Noël à déguster chaud ou froid, été comme hiver, avec un jus de citron ou un verre de vodka, seul ou avec la terre entière, à l'hosto ou chez soi près de sa cheminée Napoléon III. » Une vieille dame indigne, Rosette Rosenfeld, un soir de Noël et au soir de sa vie, passant une tête par sa cheminée Napoléon III, croise celui qu'elle espérait y rencontrer : le père Noël, membre des Pères Noël associés et... au bord du burn-out. De l'Ehpad - où les desserts sont bios et déchocolatés - qui finit par l'accueillir, aux songes nocturnes dans lesquels elle croise son mari disparu et ancien déporté, et ses beaux-parents venus pour l'un de Pitchik, pour l'autre de Pitchouk, Jean-Claude Grumberg nous invite à suivre ses tribulations, toujours à l'ombre de l'histoire et de sa grande hache, prêtant à ce conte de Noël sa plume burlesque et pleine d'humour, jusqu'à ce qu'entre deux rires l'émotion saisisse le lecteur à la gorge.
Fuyant l'Irlande, où il est né en 1799, Cashel Greville Ross s'enrôle dans l'armée. Ainsi débute un parcours tumultueux, semé d'épisodes glorieux et de revers de fortune, dans les pas de l'Histoire. Blessé et décoré à la bataille de Waterloo puis témoin des atrocités de l'armée anglaise aux Indes, il arpente la France et l'Italie, où il se lie d'amitié avec Byron et Shelley avant de tomber éperdument amoureux de la mystérieuse Raffaella. Mais le goût de l'aventure l'emporte inexorablement chez ce romantique impétueux. Célébré à Londres pour ses récits de voyage, floué par son éditeur, emprisonné un temps pour dettes, il bondit allègrement d'un continent à l'autre, et se réinvente tour à tour en fermier d'Amérique, explorateur à la recherche des sources du Nil ou encore diplomate à Trieste.
Avec une jubilation contagieuse et un souffle irrésistible, William Boyd nous entraîne dans la chevauchée débridée d'un personnage follement attachant, et nous enchante à la manière des grands romanciers anglais du XIXe siècle.
Le Baron perché.
Parce qu'on veut lui faire manger des escargots, le baron du Rondeau, un beau jour, vers 1770 (il a alors douze ans), monte dans les arbres et refuse d'en plus jamais descendre. On peut faire bien des choses dans les arbres : chasser, mais aussi recevoir Napoléon en grande pompe et même séduire une fantasque Marquise. On trouvera d'abord ici une sorte de " Robinson ligure ". Côme du Rondeau, c'est un homme selon la nature au sens où l'entendait Rousseau, en lutte avec la nature à la façon dont le montrait Defoe.
Et tout autour de Côme, branches et feuilles poussent, se divisent, se rejoignent. On découvrira en même temps une fantaisie sans cesse jaillissante. La conversion du brigand par la lecture de Clarisse Harlowe, les caprices de la Marquise, l'enlèvement par les Barbaresques de l'hydraulicien maho-métan... autant de pages où la cocasserie fait alliance avec la fraîcheur. Mais il ne faudra pas oublier de lire Le Baron perché pour ce qu'il est : un conte philosophique.
Calvino écrivit ces pages au moment où il vivait la crise de la gauche européenne : Côme reste présent à l'histoire, mais du haut des arbres, parce que, vraiment, c'est trop absurde, tout ce qui se passe en bas.
Pendant une grande partie de sa vie ma mère a vécu dans la pauvreté et la nécessité, à l'écart de tout, écrasée et parfois même humiliée par la violence masculine. Son existence semblait délimitée pour toujours par cette double domination, la domination de classe et celle liée à sa condition de femme. Pourtant, un jour, à quarante-cinq ans, elle s'est révoltée contre cette vie, elle a fui et petit à petit elle a constitué sa liberté. Ce livre est l'histoire de cette métamorphose.
É. L.
Elie Mestenapeo, un jeune Innu de la Côte-Nord, au Québec, a tué son père alcoolique et violent dans une crise de rage.
Il a fait 10 ans de prison.
À sa sortie, rejeté par les siens, il prend la direction de Montréal où il rejoint rapidement une nouvelle communauté : celle des Autochtones SDF, invisibles parmi les invisibles.
Il y rencontre les jumelles innuk Mary et Tracy, Jimmy le Nakota qui distribue des repas chauds au square Cabot, au coeur de la ville, mais aussi Mafia Doc, un vieil itinérant plus ou moins médecin qui refuse de quitter sa tente alors que Montréal plonge dans le froid polaire...
Dans ce roman plein d'humanité, Michel Jean nous raconte le quotidien de ces êtres fracassés, fait d'alcool et de rixes, mais aussi de solidarité, de poésie et d'espoir.
Michel Jean est un journaliste et auteur innu, appartenant à la communauté de Mashteuiatsh, sur les bords du lac Saint-Jean, au Québec. Kukum, son précédent roman couronné par de nombreux et prestigieux prix littéraires dont le Prix Points des lecteurs 2023, s'est vendu à plus de 200 000 exemplaires et a été traduit dans plusieurs langues.
Lors du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l'Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l'intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L'un écrit, l'autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.
Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font oeuvre de sépultures, l'historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d'abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l'engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation - Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz - et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.
Tout l'art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d'hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l'impensable, à l'imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C'est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d'une écriture sensible et précise.