Un almanach ! Le mot est énigmatique et fait rêver. De l'arabe al-manakh, probablement du radical syriaque ma : lune, mois. Le genre est ancien et usé, peut-être même ringard. Tentons, malgré tout, de relever le défi avec un regard sans passéisme, en laissant toute sa place à l'altérité et à l'actualité de la mosaïque européenne des cultures alpines. Le tout, comme à l'ordinaire, dans des habits aussi beaux que ceux des numéros thématiques de L'Alpe. Chaque année, la parution d'automne devrait être consacrée à cet exercice périlleux. La loi du genre se nomme éclectisme et nous ne nous priverons pas de l'être une fois l'an. De nombreuses propositions d'articles nous parviennent qui ne trouvent place dans les livraisons habituelles. Ce rendez-vous sera l'occasion d'une célébration ludique des multiples reflets de cette montagne magique.
Comme toujours dans un almanach, les pages iront au rythme d'un calendrier des saisons accompagné d'observations astronomiques, de conseils pratiques concernant les travaux et les jours, mais aussi de mille informations sur l'arc alpin. D'une brassée de ces innombrables trésors que des générations de chercheurs et de curieux ont engrangés avec gourmandise. Et en contrepoint, la découverte des hommes et des créations qui irriguent les Alpes d'aujourd'hui.
Notre seul désir, partager le bonheur d'une traversée annuelle de l'Alpe, comme un premier sommet d'enfance, une transhumance vers l'herbe nouvelle de la montagne, quelque chose qui ressemblerait à la fête de l'unique jour de liberté d'une charmante et imprudente chevrette. Réenchanter une montagne banalisée pourrait définir notre ambition.
Fidèle à son vocation d'aller explorer l'autre côté du miroir, L'Alpe est allé chercher des auteurs venus d'ailleurs qui proposent une approche inédite de la capitale des Alpes.
Depuis les Jeux olympiques d'hiver de 1968, Grenoble a connu une croissance urbaine très forte. Elle reçoit aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'étudiants, dont de très nombreux étrangers. Une tradition d'accueil et d'ouverture qui ne date pas d'hier puisque se sont succédé ici, communautés italiennes, grecques, arméniennes, africaines ou maghrébines. Attirées par un bassin d'emploi en plein développement, mais aussi par un environnement montagnard exceptionnel que nombre d'autres sites urbains peuvent lui envier.
Curieusement, la cité auto-proclamée « capitale des Alpes », n'a pourtant guère suscité de regards venus d'ailleurs sur la ville, mais aussi sur sa relation à ses montagnes (Belledonne, Chartreuse et Vercors), voire au-delà comme l'Oisans, ou même à des villes comme Innsbruck avec laquelle Grenoble est jumelée.
Pour regarder l'envers du décor, L'Alpe est donc allé chercher des auteurs qui, du photographe Robert Doisneau jusqu'à l'alpiniste parisien Robert Paragot, du navigateur Gérard Janichon à Jean-Jacques Rousseau, proposent autant de regards curieux et interrogateurs sur cette ville où la rédaction de la revue a fait son nid depuis 1998, et que nous ferons (re)découvrir avec les yeux de Candide.
Particulièrement riche et parfumé, le lait des vaches de montagne est une production incontournable des régions alpines. Un or blanc qui prend une large part dans l'économie montagnarde, tant sous sa forme liquide qu'à travers ses nombreuses transformations, fromages, crèmes, chocolats...Boire un verre de lait frais, crémeux et mousseux, dans un chalet d'alpage participe au mythe de la pureté alpestre. Une image forte, évocatrice de santé, qui constituait un but de randonnée pour les touristes de la Belle Époque et, de nos jours, apporte une valeur ajoutée pour la promotion et la commercialisation du lait de montagne sous toutes ses formes.Car le lait, c'est aussi le fromage et le chocolat en passant par le beurre et le yaourt, sans oublier le petit-lait, destiné jadis aux cochons mais dont on redécouvre aujourd'hui les vertus pour des cures de remise en forme, voire des produits de beauté. Aliment de base pour les Alpins d'autrefois, riche en symboles, il se prête à de nombreuses légendes et inspire les artistes, depuis les décorations des moules à beurre ou des cuillères à crème jusqu'à des installations de bidons ou des sculptures de fromages...Des voies lactées qui fleurent bon l'herbe et le grand air de l'alpe !
En montagne, le rêve d'Icare est plus intense. Il a donné des ailes à des inventeurs géniaux et à des pratiques impossibles ailleurs. Car dans les Alpes, il faut aller plus haut et plus fort pour survoler les vallées, franchir les cols et tutoyer les sommets. Dès l'époque des pionniers de l'aviation, les Alpes ont servi d'espaces d'expérimentations mais aussi de terrains de jeux. Ainsi la création et le développement des hydravions doivent-ils beaucoup à la nécessité de trouver d'autres façons de rejoindre le « plancher des vaches » dans des régions au relief tourmenté. Ainsi le parapente est-il né en montagne dans les années 1960 pour voler le long de la pente avant de devenir un véritable mode de déplacement. Mais bien avant cela, dirigeables, ballons, montgolfières, planeurs et autres ultra-légers motorisés et ailes-deltas ont bâti au fil des décennies la grande saga du vol aérien dans les Alpes. Ce numéro de la revue prend de la hauteur et s'intéresse aux records et aux défis (l'exploit du Péruvien Jorge Chavez au Simplon, le premier « anneigissage » au sommet du mont Blanc), au secours en montagne et à la révolution de l'héliportage, aux grandes catastrophes aériennes, aux fortes têtes du vol aérien (Bertrand Piccard, Hermann Geiger, Henri Giraud, Henri Ziegler, etc.) tout autant qu'à la vie du Petit Prince ou encore aux usages professionnels des plus lourds que l'air comme la cartographie, le transport et la construction de refuges.
Figure emblématique du bestiaire alpin, la vache est à l'honneur dans ce numéro. Un animal que l'on chante, qui a inspiré les artistes mais aussi les maîtres fromagers. Une promenade en alpage, entre histoires, traditions et interrogations sur l'avenir de l'élevage bovin en montagne.
La vache s'inscrit dans le paysage des Alpes et participe depuis des siècles à l'économie montagnarde. Se pourrait-il qu'un jour, le son des clarines qui anime les prairies d'altitude pour le plus grand bonheur des touristes ne soit plus qu'un souvenir ? Aujourd'hui en effet, le rude métier d'alpagiste n'attire guère les jeunes. En Suisse notamment, on doit ainsi embaucher Polonais ou Kosovars pour la saison et nombre exploitations ferment faute de repreneurs, comme en témoigne notre enquête. Avec l'abandon des prairies d'altitude et "l'enforestation", on semble s'acheminer vers la fin du paysage alpin alors que, paradoxalement, les éleveurs de montagne s'en sortent moins mal que d'autres à l'heure de la crise du lait. Sans doute parce qu'ils ont su inventer et valoriser des spécialités fromagères fort appréciées, à l'image des diverses variétés du vacherin. L'animal a par ailleurs charmé bien des artistes. Depuis les enluminures du XIIIe siècle jusqu'à Chagall, la vache se décline sous toutes ses formes dans un portfolio coloré où l'imagination se donne libre cours ! Sujet de légendes, comme le rapporte un auteur du XIXe siècle, elle a aussi inspiré le célèbre ranz des vaches, un chant traditionnel suisse quasiment élevé au rang d'hymne national. Enfin, les pages pratiques offrent des pistes de découvertes, à travers musées, buvettes d'alpages et autres lieux de production fromagère.
Où l'on découvrira les spécificités de l'économie alpine vue par l'oeil de l'anthropologue, de l'historien, du géographe, du sociologue, de l'écrivain, de l'ethnologue, etc. Ils s'attacheront à montrer comment la montagne a marqué l'identité et les grandes options économiques de la vie quotidienne des hommes et des femmes des Alpes au fil des siècles, sans oublier de développer les visions actuelles, voire prospectives des économies alpines. Sommaire - Fonder l'économie sur la connaissance - Les montagnards étaient là... il y a 50 000 ans - Nos ancêtres les Allobroges - Alpes d'ailleurs : pour quelques thalers de plus - Le bon filon - L'argent du colporteur - Le salaire de la pierre - Les méventes de la lavande - La saga économique de la houille blanche - La chute d'Icare - Leur petite entreprise ne connaissait pas la crise - La ruée vers l'or blanc - La double vie des gens de l'alpe - La forteresse abandonnée - Le Rhône et le vin
Ce numéro exceptionnel évoque ces Alpes qui s'opposent aux pouvoirs en place : « Résister, c'est créer ; créer, c'est résister. » Pour que ces montagnes restent, longtemps encore, terres de créativité et de dissidence, comme en écho au programme du Conseil national de la Résistance. Et bien sûr, en prélude à une année électorale décisive en France quant aux engagements futurs de ceux qui, dans le secteur de la culture et du patrimoine, tentent de faire avancer d'ambitieux projets humanistes en opposition à la morosité ambiante. C'est dans les Alpes que naît la Révolution française ! Plus précisément à Grenoble, le 7 juin 1788, avec la fameuse journée des tuiles durant laquelle se déroulent de violentes manifestations. Ce soulèvement populaire provoquera la réunion des États généraux du Dauphiné au château de Vizille et. une fameuse grève des impôts !Plus tard, ces montagnes accueilleront encore l'école des cadres d'Uriage, créée par Pétain, mais qui deviendra rapidement le creuset de dirigeants (dont Hubert Beuve-Méry) qui s'engageront plus tard dans la Résistance en Haute-Savoie ou en Isère.Bien avant (et aussi ailleurs), le territoire alpin a été fécond en matière de révoltes : depuis les tribus qui luttent contre le pouvoir romain pendant la guerre des Gaules, jusqu'à la Résistance italienne contre Mussolini qui s'organise aussi dans les montagnes, en passant par Guillaume Tell qui alimente aujourd'hui encore le mythe helvétique (voire la résistance de ladite Suisse à l'Union européenne) ou encore les combats d'Andreas Hofer au Tyrol contre les troupes napoléoniennes.
De tous temps, les Alpes ont suscité l'invention d'architectures singulières. Depuis les détournements de cavernes sur les hauteurs par les chasseurs-cueilleurs du néolithique jusqu'aux audacieux édifices d'un Mario Botta, en passant par les multiples variantes d'un habitat rural conçu par les hommes pour se protéger des éléments : le froid, la pente, les intempéries, etc. Sans compter le développement touristique qui a vu naître, dès le xixe siècle, modestes refuges et cabanes de haute montagne, somptueux palaces, puis stations de sports d'hiver « intégrées » et chalets de luxe. Ce sont tous ces champs de l'architecture alpine qu'explore ce numéro d'automne de la revue L'Alpe avec une attention toute particulière portée aux architectes et aux créateurs d'aménagements intérieurs qui pensent notre habitat de demain. Des constructions qui devront répondre aux nouveaux défis posés par le réchauffement climatique, l'urbanisation croissante des vallées ou la raréfaction des ressources énergétiques fossiles.
Aux confins de la Haute-Savoie, dans la partie la plus septentrionale des Alpes françaises, la vallée d'Abondance se faufile au coeur du Haut-Chablais. Entre ses verts alpages, ses vaches « à lunettes » et son riche patrimoine culturel, un massif doté d'une personnalité originale.À l'écart des grandes voies de circulation, le val d'Abondance a toujours cultivé ses différences face à ses grands voisins : le Faucigny et le Genevois. Un enclavement relatif qui a favorisé une forte identité locale dont témoignent un artisanat spécifique, une belle tradition musicale ou encore l'architecture vernaculaire, avec les chalets et fermes doubles, sans oublier son fameux fromage qui bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée. Les gens de cette alpe septentrionale ont souvent été contraints d'émigrer vers l'Argentine ou d'exercer la contrebande avec le Valais proche. Confrontés aux évolutions touristiques, ils se sont convertis aux sports d'hiver, pour se tourner aujourd'hui vers une image plus familiale et culturelle, autour notamment de l'abbaye au cloître ornée de fresques du XVe siècle. Entre préservation et développement, identité locale et ouverture au monde, la belle histoire d'une vallée originale.
En octobre 2001, le Musée Dauphinois présente une exposition mettant en scène à la fois sa propre collection de poteries et de faïences ainsi que des pièces jamais vues appartenant à des collectionneurs privés. Potiers et faïenciers en Dauphiné, ouvrage de référence aux éditions Glénat bénéficie des contributions des meilleurs spécialistes et nous raconte cette histoire quotidienne, fait le point sur les dernières recherches, et nous offre une iconographie inédite faisant la part belle aux détails. Le travail des potiers et faïenciers d'autrefois est aujourd'hui reconnu et considéré par tous. En marge des ateliers célèbres et sous leur influence, de nombreuses productions locales émergent, tout aussi originales et souvent très bel les, dont les poteries et faïences de Grenoble et du Dauphiné font partie. C'est au XVIIIe siècle que le travail de l'argile a connu un véritable essor en Dauphiné. Simples écuelles ou assiettes aux décors savants, les objets en terre sont révélateurs d'un artisanat porteur de mémoire, dont les témoignages, fragiles, sont menacés. Du début du XVIIIe au milieu du XXe siècle, les ateliers ont fonctionné, les tours modelé, les fours cuit. Les pièces qui nous sont parvenues témoignent des multiples influences, de la qualité du travail, de la créativité des artisans. Chinois bossu, oiseaux grotes ques, décor au bûcheron enrichissent les assiettes et plats des services dauphinois. Aujourd'hui, si les principaux ateliers de faïences, ceux de La Tronche et de Très Cloître, à Grenoble, ont disparu, les potiers perpétuent la tradition et renouvellent la production par une approche contemporaine.
Les cultures et patrimoines de l'Arc alpin se manifestent largement par les habitudes et traditions de la table, l'histoire, la géographie et l'ethnographie du goût, et la gastronomie vivante des Alpes, comme l'ont déjà démontré les éditions de L'Alpe consacrées aux vins et aux fromages. La revue se devait de s'intéresser maintenant à l'assiette et à la table des populations alpines, des usages d'hier aux pratiques d'aujourd'hui. Un numéro de L'Alpe à mettre entre toutes les mains et sur toutes les tables SOMMAIRE - Boucanée au vent de l'alpe - PAR MARTINE JAQUES-DUFOUR - Du bonheur plein l'assiette - Par HENRI PELLETIER - L'assommoir - Par PHILIPPE JOURNOUD - La marque du verrat - Par ANNE-MARIE TOPALOV - À la mode de cheznous - PAR MARIE-ANNE GUÉRIN - Cochonnailles savoyardes - Par DELPHINE BALVET, LAURENCE BERARD ET PHILIPPE MARCHENAY - Une fable d'Alexandre Dumas - Par CLAUDE SCHOPP - La grande invasion - Par SILVANO SERVENTI - Ravioles et ravioleuses - Par ANNE DA COSTA - Et patate à papy et patate à tata - Par MARIE-THÉRÈSE HERMANN - Les semences du pain sans fin - Par CLAUDE MACHEREL - Ca mord ? - Par DELPHINE BALVET, LAURENCE BERARD ET PHILIPPE MARCHENAY - Ni trop, ni trop peu et bien au contraire - Par ISABELLE RABOUD-SCHÜLE - Miam ! - Par JEAN FROC - Variations sur un même thème - Par WOLFRAUD DE CONCINI - Poyas de la Gruyère - PAR DENIS BUCHS - Oreillettes, mensonges et vie d'en haut - Par DANIELLE MUSSET - Do you speak montagne ? - PAR MICHEL TAILLAND