« Les textes de ce recueil suivent approximativement un ordre chronologique. Ils sont du côté de la critique avec ce que cette activité suppose de frôlement avec la fiction. Toutefois mon but ici est d'analyser des oeuvres, de les comprendre et me comprendre à travers elles. Celles-ci, de Casanova et Sade à Beaumarchais et Laclos, de Tiepolo à Mozart, ne cessent de tendre - c'est pour moi ce qui les réunit - à développer une philosophie du plaisir, une intelligence du désir, un génie du moment.
Pas de femme parmi ces écrivains libertins dont la lecture m'accompagne ? C'est tout simplement qu'il n'en existait pas. Il était fort malvenu à cette époque pour une femme de s'afficher comme femme encore plus comme auteur. C'est pourquoi ces textes peuvent aussi se lire selon la ligne d'une trajectoire : celle qui de Mme de Tencin en passant par Mme Roland brise le silence et aboutit à Mme de Staël : la première femme à oser se proclamer auteur et assumer des prises de position intellectuelles et politiques. » Ces Variations sur l'esprit du XVIIIe siècle sont des variations sur un esprit rebelle et vagabond, fantaisiste, attaché à la jouissance singulière, au refus de tout comportement de groupe. Un esprit révolutionnaire ? Libertin et libertaire plutôt, comme va le révéler la rencontre avec les événements de 1789 et surtout avec la Terreur.
Chantal Thomas a suivi les séminaires de Roland Barthes, dont elle a été une proche amie. Au fil du temps, elle a rendu plusieurs hommages à l'auteur de La chambre claire, notamment à propos de la photographie (celle de l'enfance et de la jeunesse dans le Roland Barthes par lui-même, celle miraculeuse et spectrale de la mère fillette dans le jardin d'hiver), ou de Michelet. C'est l'ensemble de ces textes qui est ici réuni en un petit volume, qui comprend également une préface inédite et un texte de considérations sur l'élaboration d'un film documentaire. Ce texte consacré à Barthes par elle et son frère Thierry sera diffusé sur Arte à l'automne. Un geste de reconnaissance, comme une dédicace - ainsi que le titre le laisse entendre. Un geste, aussi, de fidélité à celui qui a ouvert des voies pour une génération entière, et dont la trace reste vivante.
La reine scélérate « Marie-Antoinette : Reine. Autrichienne. Épouse de Louis XVI. Joua à la bergère. Fut guillotinée. » Ces mots résument le savoir le plus commun porté par le nom de Marie-Antoinette : l'évidence de sa culpabilité ne fait qu'un avec celle de sa beauté.
Chantal Thomas ne nous présente pas ici une biographie de Marie-Antoinette, mais, à partir d'innombrables pamphlets, l'étude d'un mythe, celui de la reine scélérate, de l'« architigresse d'Autriche », créé par les courants misogynes et xénophobes, qui transformèrent une jeune princesse en une prostituée, une nymphomane, un monstre.
Chantal Thomas Elle a publié de nombreux essais sur Sade (Seuil et Rivages), Casanova (Denoël), Thomas Bernhard (Seuil). Elle a également écrit Comment supporter sa liberté (Rivages), un livre de nouvelles, La Vie réelle des petites filles (Gallimard), un roman, Les Adieux à la Reine (Seuil, prix Femina 2002) et un récit, Cafés de la mémoire (Seuil, 2008). Elle est actuellement directrice de recherches au CNRS.