Depuis la fin de l'année 2010, les bouleversements politiques et sociaux dans le monde arabe sont au centre de toutes les attentions et notamment de l'attention académique. Les chercheurs en sciences sociales n'entendent pas se laisser dicter leurs objets par l'actualité mais refusent dans le même temps de démissionner devant les faits ou de s'emmurer dans leur tour d'ivoire, feignant d'ignorer la gravité du monde qui les entoure et l'urgence d'une pensée construite et contrôlée.
C'est à cet exercice délicat que se sont livrés les auteurs de ce dossier, sans cesse pris dans une forme d'injonction paradoxale : prendre de la distance avec l'événement historique et saisir son épaisseur sociale dans toute sa matérialité, réfuter les explications causales macrosociologiques et prendre au sérieux les revendications et les répertoires d'action des protestataires, résister au diktat de l'instant et de l'accélération de l'histoire et réinscrire les pratiques et les discours dans leur terreau sociologique et historique.
L'objectif n'est pas de proposer une nouvelle interprétation des événements qui ont bouleversé la région mais bien plutôt de comprendre, au moyen d'enquêtes de terrain de longue haleine, comment ceux-ci ont bousculé les structures sociales et politiques des pays concernés et de quelles façons cette histoire courte est à réintégrer au sein des mutations sociales plus larges qu'ont connues ces sociétés.
Fondés sur un travail empirique inédit, les six articles étudient ainsi les conséquences du déclassement des chômeurs diplômés tunisiens sur leurs dispositions à se mobiliser (Pierre Blavier), la recomposition du capital social des insurgés dans le cas syrien (Gilles Dorronsoro et al.), l'impossibilité du soulèvement dans le cas algérien (Layla Baamara), le rôle de groupes professionnels comme les avocats dans la révolution tunisienne (Eric Gobe), les voies de la reconversion politique des Frères musulmans égyptiens entre 2005 et 2012 (Marie Vannetzel) et les modalités du passage d'une situation révolutionnaire à un résultat révolutionnaire dans le contexte tunisien (Choukri Hmed).
Alors qu'au cours des années 2010, l'urgence humanitaire de la « crise des réfugié·e·s » a durablement installé une image misérabiliste de la migration internationale dans l'opinion publique, ce numéro prend le parti de s'intéresser aux ressources des migrant·e·s. En abordant la question de l'accumulation et de la gestion du capital social dans les carrières et stratégies migratoires, il entend dresser un portrait plus divers et plus réaliste des existences migrantes et éviter ainsi de forger une représentation monolithique des mobilités. Sans oublier les vulnérabilités qui président à nombre de déplacements internationaux, il insiste sur les inégalités à l'oeuvre parmi les acteurs et actrices de ces mobilités. Décédé il y a tout juste vingt ans, Abdelmalek Sayad a défendu la nécessité pour les recherches sur les migrations internationales de considérer les immigré·e·s comme des émigré·e·s, pointant ainsi la pluralité des espaces de référence des migrant·e·s. Ce conseil n'est jamais aussi pertinent que pour penser la relation entre migration et accumulation de ressources : contrairement à ce que voudrait le mythe de l'invasion, les projets migratoires ne se pensent presque jamais comme des fins en soi et posent très majoritairement la migration comme un moyen de maintenir ou d'améliorer son statut social et celui de sa famille non dans le pays « d'accueil », mais bien dans le pays d'origine.
L'attention portée au réseau de relations des migrant·e·s - à la fois local et transnational - a permis à la sociologie des migrations de rompre peu à peu avec une explication des déplacements en termes de choix individuels, en soulignant le rôle des conditions collectives de possibilité des départs.
Cette livraison est le premier des deux numéros que la revue consacre cette année aux structures sociales et à leurs transformations contemporaines.
Elle porte plus spécifiquement sur les fractions les plus élevées des catégories supérieures. Un texte inédit de Pierre Bourdieu traite du concept de « champ du pouvoir » pour désigner l'ensemble des relations qui unissent et divisent les détenteurs des différents types de pouvoir, pouvoirs financiers, économiques, politiques, intellectuels, etc. Un ensemble de recherches met ensuite en oeuvre cette notion pour mieux comprendre les effets de dynamiques contemporaines, en particulier les phénomènes d'internationalisation (qui se produisent dans l'ordre économique et scolaire notamment) et les démissions néolibérales de l'État.
L'ensemble de ces contributions qui se rapportent à différents pays européens tend à se situer dans une perspective comparative. Le goût du « luxe » caractéristique des catégories sociales étudiées n'est pas omis dans ce numéro, à travers une étude consacrée à l'hôtellerie.
Ce numéro entend questionner les différentes logiques à l'ouvre dans les processus d'évaluation des sportifs. Loin d'être un espace qui évaluerait et classerait des performances purement « sportives », l'univers des sports, tout particulièrement celui du sport spectacle, fait l'objet d'enjeux croissants et multiples. Les articles s'attachent ainsi à montrer les différents ressorts sociaux des logiques économiques, politiques ou encore professionnelles relatives à la production et à la diffusion permanente des évaluations sportives (classements, titres, notes, etc.), en les situant dans les transformations historiques des économies du sport spectacle du début du XXe siècle à aujourd'hui. En s'appuyant sur des exemples très différenciés (la boxe anglaise, le football et le cyclisme professionnels, la course à pied, etc.), il s'agit d'analyser la concurrence entre les institutions et les agents sociaux de plus en plus nombreux (sportifs, entraîneurs, organisateurs de spectacle, fédérations, sponsors, journalistes, médecins, etc.) qui participent à ces luttes, permettant ainsi d'éclairer des processus d'évaluation également à l'ouvre dans d'autres univers sociaux. Les auteurs du numéro restituent concrètement, à travers des enquêtes de terrain, les conditions sociales et historiques des performances dites « sportives ».
Dossier coordonné par Dominique Marchetti, Frédéric Rasera, Manuel Schotté et Karim Souanef.
Ce numéro vise à rendre compte d'un paradoxe. Alors même que la diversification des formes familiales a été légitimée par la loi, l'idéal de la famille de deux enfants est aujourd'hui largement partagé. Pour autant, les manières d'être parent font l'objet d'une multiplicité de normes, plus ou moins contradictoires, et ce dès l'annonce de "l'arrivée" de l'enfant. D'un côté, le "naturel" est sans cesse convoqué pour qualifier l'enfant à naître et pour inviter à traiter les "besoins" des corps.
D'un autre côté, la surveillance et la médicalisation, depuis la grossesse jusqu'à la petite enfance, n'ont pas reculé, dans une alliance réinventée entre la médecine et la psychologie. Les articles proposés dans le numéro mettent en lumière la prégnance de ces normes sociales, variables par ailleurs selon la classe sociale et le sexe. Ils montrent également comment le genre intervient fortement à la fois dans la division sexuelle des rôles parentaux, consacrant toujours le rôle "maternel" des femmes, et dans le travail parental qui participe fortement à la socialisation genrée des enfants.
Comme en attestent les enquêtes empiriques exposées dans le numéro, l'exercice de la fonction parentale est encadré par de nombreux dispositifs, dont l'objet s'est étendu depuis une quinzaine d'années sous l'égide d'une nouvelle catégorie de l'action publique : la "parentalité". En amont de la protection de l'enfance, mais aussi dans les politiques scolaires ou de prévention de la délinquance, le mot d'ordre de la "responsabilisation" des parents s'est imposé comme une nouvelle manière d'agir sur les pratiques parentales.
Le numéro met ainsi au jour les conséquences potentiellement répressives de dispositifs de "soutien à la parentalité". Enfin, il rend compte des recherches existantes sur l'homoparentalité et de leurs usages dans les débats publics étasuniens.
En plongeant dans l'intimité des foyers, ce dossier propose une contribution originale à la sociologie des classes sociales. Alors que les débats se focalisent d'ordinaire sur certaines dimensions de la culture de classe (tout particulièrement sur les pratiques culturelles), il déplace l'attention vers un lieu qui, avec l'autonomisation de la vie privée et l'amélioration des conditions de logement, fait l'objet d'un investissement croissant.Les enquêtes présentées dans les articles portent sur des groupes sociaux et des contextes résidentiels contrastés : classes populaires des cités HLM ou de milieu rural, agriculteurs embourgeoisés, classes populaires et moyennes du périurbain, classes supérieures urbaines ou familles nombreuses occupant diverses positions dans l'espace social. Attentives également à la dimension genrée des styles de vie domestique, elles explorent les pratiques, les relations et les logiques symboliques qui prennent corps à l'intérieur des frontières de l'habitat. Chacun des articles souligne ainsi combien les pratiques de décoration, d'aménagement et d'ameublement, ainsi que les usages personnels et l'organisation des sociabilités domestiques, sont l'expression de goûts socialement situés. En prenant en compte le rôle de l'économie de la maisonnée, ils montrent également les formes variées que prend l'organisation du travail domestique, dont une partie peut être déléguée à des employé-e-s subalternes par les classes supérieures mais qui, à l'intérieur de chaque ménage, fait l'objet d'une division sexuée persistante.L'espace domestique apparaît ainsi doté de propriétés spécifiques - en particulier celle d'offrir à ses occupants un lieu à l'abri relatif des rapports de domination dont ils font l'expérience dans d'autres espaces. Il existe donc bien une relative autonomie symbolique des cultures de classes et de fractions de classe, comme en attestent les résistances face à l'imposition de modèles d'habiter hétéronomes. Mais les manières d'habiter se transforment aussi, sous l'effet des logiques de distinction et des aspirations à différentes voies d'ascension sociale, qui viennent redessiner les frontières culturelles séparant les classes sociales.
Gouverner le vote des « pauvres ». Champs experts et circulations de normes. en Amérique latine (regards croisés Argentine/Mexique).
Hélène Combes et Gabriel Vommaro.
La civilité marchande. Agressivité et retenue professionnelles dans les activités de vente.
Louis Pinto La pédagogie charismatique de Gilles Deleuze à Vincennes.
Charles Soulié.
La fabrique des dispositions urbaines. Propriétés sociales des parents et socialisation urbaine des enfants.
Clément Rivière.
Les garages à ciel ouvert : configurations sociales et spatiales d'un travail informel.
Collectif Rosa Bonheur.
Se voir « avec les yeux des autres » Ou comment de jeunes ouvriers se sont laissés imposer des représentations dominantes d'eux-mêmes.
Martin Thibault.
Les arrêtés municipaux pris durant l'été 2016 afin de réglementer les tenues vestimentaires sur les plages de certaines communes du sud de la France ont rappelé que les plages, espaces touristiques par excellence, sont au centre de rivalités et de luttes pour contrôler qui y a accès, selon quelles normes et à quel prix. Au cours du XXe siècle, la démocratisation du tourisme balnéaire, l'urbanisation rapide des littoraux et la fragilisation des espaces côtiers ont conféré à l'espace « plage » une valeur croissante, aussi bien économique que symbolique.
L'ambition de ce dossier est de se démarquer des approches de la plage en sciences sociales qui se sont contentées d'en faire un espace à part autorisant la suspension des rapports sociaux. À rebours d'une telle vision, il s'agit ici de politiser la plage, c'est-à-dire de comprendre la manière dont cet espace particulier peut être approprié par certaines fractions de l'espace social au détriment d'autres. Logiques politiques, économiques, environnementales et sociales s'articulent pour faire de cet espace littoral un enjeu de luttes entre groupes sociaux au croisement des rapports sociaux de classe, de sexe et de « race ». Depuis le début du XXe siècle, le relâchement progressif des codes vestimentaires sur cet espace a fait de la plage un territoire propice aux interactions sexualisées, venant révéler et rejouer les rapports sociaux de sexe - ceux-ci concernant aussi bien les relations entre femmes et hommes que la stigmatisation de sexualités jugées déviantes. L'appropriation privée de portions du littoral et leur utilisation comme critères de valorisation d'opérations immobilières soulignent à quel point ces espaces sont un enjeu de luttes entre groupes sociaux aux ressources économiques inégales. Par ailleurs, destination aujourd'hui privilégiée de séjours touristiques générant des circulations internationales de vacanciers, cet espace porte en lui la capacité à faire se rencontrer des groupes sociaux appartenant à différentes hiérarchies sociales nationales, mais aussi des groupes construits comme antagonistes dans les rapports sociaux de « race » c'est-à-dire construits sur une différence supposée d'origine rapportée à des critères indistinctement culturels et phénotypiques.
Cette ambition est portée par un dossier pluridisciplinaire dont le propos est ancré dans des terrains nationaux contrastés. Analyse historique de la mise en place d'une législation spécifique sur les plages californiennes ou de l'éviction des populations africaines américaines du littoral de la côte Est des États-Unis, étude des luttes de pouvoir politique et économique dans l'appropriation du littoral de Saint-Tropez ou du Nordeste au Brésil, analyse des interactions à la plage comme révélateur de formes de mobilité sociale articulées à des processus de racialisation des différences sociales à Zanzibar ou en Algérie, tels sont les différents modes d'entrée pour penser la plage comme territoire contesté.
Des classes sociales européennes ?
Étienne Penissat et Yasmine Siblot.
L'Union européenne, un espace social unifié ?
Cécile Brousse.
Déclin et renouveau de l'analyse de classe dans la sociologie britannique, 1945-2016.
Mike Savage.
Comparer les classes populaires en France et au Portugal.
Différences structurelles et histoires intellectuelles.
Virgílio Borges Pereira et Yasmine Siblot.
Classes et nations : quelle articulation à l'échelle européenne ?
Frédéric Lebaron et Pierre Blavier.
Les déterminants sociaux et nationaux des inégalités culturelles en Europe.
Cédric Hugrée, Étienne Penissat et Alexis Spire.
Les logiques ordinaires de catégorisation de l'espace socioprofessionnel.
Une comparaison Allemagne, Espagne, France.
Laure de Verdalle, Jérôme Deauvieau et Alexandra Filhon.
Il est désormais devenu banal de déclarer des structures publiques « en situation de faillite ». Ce dossier décrit les effets politiques de l'extension aux structures et services publics d'un raisonnement et d'un mode de fonctionnement réservé jusqu'à présent à des organisations de droit privé : la survie par le rendement économique et la menace de faillite. Loin de ne constituer qu'une rhétorique, la loi de sélection financière s'incarne dans des dispositifs économiques et juridiques qui mettent en concurrence les services publics et en renforcent certains au détriment d'autres. Pivotant autour de l'ambiguïté sémantique et technique de la faillite, le gouvernement par la faillibilité installe au coeur de la gestion des services publics la crainte de leur extinction, afin d'inciter à la réforme, tout en ménageant, avec la fragilisation de leurs moyens, un espace pour la possibilité réelle de leur disparition. En enquêtant sur la matérialité, les structures et les jeux d'acteurs de ce régime de faillibilité, cet article révèle la transformation profonde du secteur public exposé à la question de sa profitabilité et de sa liquidation.
Dans de nombreux pays, l'égalité des sexes est devenue, notamment sous l'impulsion des mouvements féministes, une cause endossée par des acteurs et actrices au sein d'institutions variées (administrations, partis politiques, syndicats, entreprises, ONG, etc.). Cette institutionnalisation de la cause des femmes est au coeur de ce dossier, qui s'intéresse tant aux processus par lesquels des institutions s'emparent de cette cause qu'aux effets de cette institutionnalisation.
En rompant avec une perspective qui pose a priori une rupture entre militantisme et institutions et en s'appuyant sur des études empiriques dans différents contextes nationaux (France, Inde, Égypte), il s'agit d'abord de repenser la question de la dépolitisation à partir d'une analyse des conditions historiques et sociales d'émergence et de diffusion de la cause des femmes dans différents sites institutionnels et pays. En outre, l'attention portée aux propriétés sociales des actrices et acteurs, ainsi qu'aux contraintes institutionnelles pesant sur elles/eux, permet de mettre en évidence les effets ambivalents de ces processus : la définition-même de la cause des femmes est l'objet de renégociations pouvant affecter son contenu et sa diffusion au sein des institutions demeure toujours fragile et réversible.
Le concept de champ a été conçu avant tout comme un outil de construction d'objet. Il pose la question de savoir sous quelles conditions on est autorisé à autonomiser méthodologiquement un espace social, considéré à la fois comme un espace relationnel de positions et un espace de possibles. Un espace relativement autonome, c'est-à-dire caractérisé par l'illusio partagé par un groupe d'agents plus ou moins spécialisés et l'existence d'instances et d'un capital spécifiques, est la définition minimale d'un champ. On réservera le terme d'espace (au sens d'espace géométrique) à des ensembles structurés par un système de relations objectives qui sont moins autonomisées par rapport à la structure de l'espace social, ou qui se situent à l'intersection de plusieurs champs. Se pose la question des frontières géographiques de ces espaces ou de ces champs, et celle de leur localisation concrètes, laquelle invite à déterminer des échelles ou des niveaux d'observation.
Le temps n'est plus, s'il l'a jamais été, un objet délaissé par les sciences sociales. Pourtant, les approches cumulent bien souvent des limites dommageables : l'abstraction du propos tenu, l'homogénéisation des cultures temporelles à l'échelle d'une société, ou encore l'omission des rapports qu'il entretient avec le pouvoir. C'est à ces trois limites que ce dossier entend s'attaquer.
Il propose en effet des études empiriques du temps, qui se saisissent des instruments les plus matériels pour l'objectiver : agendas, plannings, emplois du temps, calendriers, montres et horloges, fréquence, durée, etc. Les articles réunis donnent à voir des manières variées de construire sociologiquement cet objet : de la socialisation temporelle de jeunes enfants, aux temps de loisir des classes supérieures ; de la temporalité d'une institution politique au contrôle du temps des personnes durablement éloignées de l'emploi et des études ; en passant par une analyse de la fréquence et de la durée des interactions entre membres de deux groupes professionnels, ou encore de l'attente qu'un État fait subir à ses administrés les plus pauvres.
Le dossier met de plus en lumière la diversité sociale des usages du temps et l'existence d'un espace social des rapports au temps, ainsi que les processus d'incorporation de ces rapports au temps socialement situés.
Enfin, il souligne les liens entre temps et pouvoir, faisant apparaître le registre ou la dimension temporelle des rapports de domination, mais aussi les dimensions symboliques associées aux attitudes et dispositions temporelles, et le caractère légitime ou illégitime des différents rapports au temps.
Des « Blancs honoraires » ? Les trajectoires sociales des Portugais et de leurs descendants en France.
Margot Delon.
Une cause perdue. Une sociologie du désenchantement politique et des coûts de l'engagement militant.
Joseph Hivert.
L'usage du monde. Hiérarchie nationale et stratégies d'internationalisation des grandes écoles d'ingénieurs.
Adrien Delespierre.
Enfiler les gants de la respectabilité. Accumulation et usages du capital culturel dans les quartiers populaires (France/États-Unis).
Akim Oualhaci.
Ce dossier présente les résultats de recherches récentes portant sur la construction sociale de la finance par les institutions publiques après la crise financière de 2008. Il s'inscrit ainsi dans le domaine de recherche qui, au carrefour de l'économie régulationniste, de la sociologie économique et des études sociales de finance, renouvelle depuis le début des années 2000, une approche institutionnaliste des activités financières. Opposée à l'idée d'une autonomisation de l'économique, cette approche souligne les médiations sociales et notamment institutionnelles qui sous-tendent la circulation, l'allocation et l'accumulation du capital au cours du temps. Ces travaux décrivent la centralité des processus d'institution et de réglementation de l'économie dans la structuration de la finance contemporaine. Le rôle de l'État fait l'objet d'une attention particulière.
Les articles proposés s'inscrivent dans des disciplines scientifiques diverses (sociologie, science politique, économie) et se concentrent sur des acteurs financiers multiples, qu'il s'agisse des banques centrales, des acteurs des marchés monétaires, des fonds d'investissement, des institutions financières d'aide au développement ou encore du secteur financier dans son ensemble. Ils ont comme objectif commun de saisir la manière dont la finance contemporaine, en apparence déréglementée, est cependant le produit d'une construction institutionnelle de long terme.
Le poids des corps inquiète. Parfois, ce sont des mannequins dont l'extrême maigreur suscite l'indignation. Plus souvent, c'est l'obésité que l'on présente comme une « épidémie » et à laquelle on associe nombre de pathologies (entre autres cardiovasculaires).
Ce numéro d'Actes de la recherche en sciences sociales soumet à la critique sociologique l'obsession de l'équilibre pondéral et l'injonction au corps fin et musclé. Dans des sociétés où l'image que l'on renvoie de soi dépend pour une large part d'attributs corporels, le poids mobilise médecins, nutritionnistes, journalistes et essayistes. Il fait l'objet de politiques publiques de la part des États et des organisations internationales. L'idéologie de la minceur règne. Elle provoque haine de soi et des autres. Elle discrimine à l'école ou au travail. Entre désir de conformité à la « normalité » et crainte du regard des autres, beaucoup vivent leur différence avec un sentiment de culpabilité. Pourtant, la sociologie montre que les corps ne sont pas neutres socialement. Les dénonciateurs de l'embonpoint visent plus particulièrement les femmes et les classes populaires. Inversement, ils promeuvent un corps qui suppose des soins, une alimentation et un entretien que tout le monde ne peut s'offrir. Véritables marqueurs sociaux, les corps échappent en partie au contrôle des volontés individuelles. Ils enregistrent l'inégale distribution des ressources économiques et culturelles et contribuent ainsi au maintien de l'ordre social en stigmatisant ceux que l'on rend coupables de ne pas se soumettre à la norme dominante.